Reggae 45 sound-system : the label art of Reggae singles : a visual history of jamaican Reggae 1959-79 / Compiled by Steve Barrow & Stuart Baker. - London : Soul Jazz Books, 2012. - 480 p. (ill.), 30£ ; [anglais].

The Label Art Of Reggae Singles

Reggae 45 Sound-System Singles Et bien, je parlais de surprise lors de la parution de son prédécesseur et si l'habitude n'en a pas encore été prise, loin s'en faut, je ne peux non plus réitérer l'exclamation suite à la sortie de cet autre beau livre. Il faut croire que la volonté du staff Soul Jazz y est pour beaucoup, tout comme l'approche de la période des fêtes de fin d'année qui est une occasion commerciale sans pareille pour de telles publications. De là à parier qu'on aura droit à un ou d'autres volumes du genre en novembre prochain, je n'en mettrai pas ma main à couper mais force et de constater, après avoir feuilleté l'objet, qu'il reste encore pas mal de terrains à défricher...


Parce qu'évidemment, ça n'est pas sur une sélection d'un peu plus de 200 pochettes au format quasi originel que l'on montre la totalité de la production jamaïcaine en la matière. Parler de production îlienne paraît d'ailleurs hors de propos, même si notre historien du Reggae favori qu'est Steve Barrow annonce la couleur en proposant un parcours visuel de la musique jamaïcaine. Parce que sur les 4 décennies présentées à travers ces 239 pages, on voit bien sûr des évolutions dans le packaging de nos 33 Tours, mais les jamaïcains n'en sont pas toujours les auteurs. Dès l'origine, en fait, et avec la publication d'albums de Mento / Calypso, c'est principalement Decca, à Londres, qui concevait les pochettes des 78 Tours et autres galettes grand format. Si les west-indians finirent par s'y mettre, notamment via l'acquisition de matériel d'impression, ils s'en remirent aussi à d'autres agences de graphisme étrangères dans les années 70 quand ils ne reprenaient pas purement et simplement les pochettes créées pour les marchés étrangers afin de sortir leurs productions en local. Ce bouquin en témoigne sur pas mal d'exemples, le dénominateur commun à tous les artworks présentés étant d'avoir été distribués tels quels en Jamaïque. Et c'est là qu'interviendrait un autre doute, avec la présence d'un album Blue Beat, dont le photographe n'est d'ailleurs autre que, oh surprise, Dezo Hoffman... Mais ce serait oublier les nombreux voyages d'Emil Shallit dans l'île aux mille sources et donc la possibilité pour lui de ramener à Prince Buster quelques-unes de ses prods.


Il y aurait encore pas mal de choses à dire sur la sélection, qui ne compterait par ailleurs pas que des originaux -ce fameux "Alton Ellis : Mr Soul Of Jamaica" et sa numérotation aléatoire selon les sources, tout comme la mention du mode "stéréo" pose bien des problèmes entre son pressage initial à priori numéroté "TI 007" et passant à "Treasure Isle 013" avec le repressage stéréo proposé par Sonia Pottinger dans les années 1970- et dont on peut questionner le choix et la répartition. En effet, c'est, dans une partition par genres, le Dancehall et les années 1980 qui se taillent la part du lion, soit quasiment un tiers de l'ouvrage où le graphiste Wilfred Limonious aurait pu à lui tout seul avoir son chapitre et ce malgré la quasi dérangeante similitude de certaines des pochettes choisies. Alors parler d'une histoire visuelle de la musique jamaïcaine est pour le coup un peu biaisé quand à peine un peu plus de 20 pochettes représentent toutes les années 1960, qui ne me semblent pourtant pas moins créatives. Preuve s'il en est, ces dernières ont été cantonnées à la bonne vieille recette de l'influence US sur le design comme sur la musique, alors que les aspects plage/soleil/tourisme ont été tout simplement refilés au Mento / Calypso. Analyse un peu simpliste à laquelle ne colle heureusement pas entièrement l'iconographie qui est bien l'objet de cet ouvrage, trop succinct à ce niveau-là... On lui préfèrera ou adjoindra donc, pour ce faire, le fameux vieux Reggae de Chris Morrow. A défaut de pouvoir vous diriger sur le dernier opus de Bruno Blum...


Pour rester sur la période 60s qui nous intéresse, on notera l'apparition de quelques curiosités telles que "Ranglin & The Zodiacs" sur RCA ou encore "The Mighty Vikings" et son passe-partout sur Win pour une section qui fait la part belle aux productions de Duke Reid. Pas de Studio One, heureusement : il a déjà eu son ouvrage! Et puis des crédits photographiques parfois hilarants, tel que celui de... Glen Adams pour l'album de Bob Marley & The Wailers, "Soul Revolution Part II" où nos 3 acolytes se la jouent guerilleros avec les armes factices des gosses de Lee "Scratch" Perry!


Bref, avant de trop faire le spoiler pour ceux qui n'auraient pas encore acquéri, eu ou feuilleté ce livre, outre les limites déjà pointées dans le volume consacré à Studio One, je noterai au moins sur mon exemplaire quelques pochettes mal imprimées, un défaut peut-être dû au mode de prise de vue des visuels incriminés, parfois bouchées et gommant des détails qu'on aurait aimés plus nets. Si c'est dans certains cas dû à la reprise basse de gamme par les jamaïcains de couvertures créées sur des productions UK ou US, ça ne semble pas en être la cause sur certaines pochettes. Rares, bien heureusement. Enfin, cette fois-ci, les sleeves n'ont pas été ou très peu photoshopées et on a donc droit à des visuels où apparaissent des bords scotchés et autres autocollants promotionnels. C'est bien de la vie d'un disque dont il s'agit aussi, mais ça donne l'impression d'un travail fait un peu vite. Ce qui, Jah m'en garde, ne fait pas de cet ouvrage un navet! Ça reste un vrai plaisir de le feuilleter, d'aller fouiller le détail et de revenir sur les pages au fur et à mesure de similitudes ou de crédits croisés et recroisés donnant la sensation de reconnaître tel ou tel style, telle ou telle influence... Tout un monde dans ce monde qui fait finalement sortir du confinement d'un monde plus cloisonné, encore!


[10/02/2013]