The album cover art of Studio One Records : the original. - London : Soul Jazz Books, 2011. - 216 p. (ill.), ca 45€ [anglais].
Si on s'y attendait! Les publications sur le Reggae ne sont déjà pas si fréquentes et jusqu'ici, la grande majorité s'est appliquée à décrire l'histoire de cette musique à travers des partis pris englobant le plus souvent son ensemble, plus rarement une période et un lieu restreints et plus ponctuellement encore via les biographies de l'un ou l'autre de ses plus illustres représentants. On a déjà heureusement eu droit à plusieurs beaux livres aussi, ouvrages dont la plus grande richesse se trouve dans l'iconographie faite de prises de vues plus ou moins connues, plus ou moins exclusives, témoignages sans égal sur des époques, des artistes, voire des faits, coutumes et autres évènements. Ce sont ces derniers que l'on ressort le plus volontairement pour illustrer un propos général sur la musique JA, ce sont aussi ces derniers qui entretiennent ou font naître bien des fantasmes la concernant. Bien que... Ce serait trop simple et trop vite oublier l'objet à l'origine de toute notre attention! Enfin, on est bien d'accord, ça n'est pas l'objet "roi", mais il offre tout de même à l'imagination des balises inestimables pour mieux explorer le monde musical jamaïcain : c'est le 33Tours et sa fameuse pochette. Et ici, c'est le LP made in Studio One qui concentre toutes les attentions.
Bon, le sujet a déjà été plus largement, et en tout état de cause moins exhaustivement, traité avec Reggae. Pour le coup, on a donc droit à un recueil format quasiment original reprenant ce qui devrait être l'ensemble des pochettes dessinées par et pour Studio One. Forcément, le doute subsiste. D'une part parce qu'il y a eu pléthore de productions et de rééditions issues entre autres du 13, Brentford Road ; ensuite parce que, finalement, les auteurs ne se risquent nulle part à affirmer que tout est bel et bien là. Une chose reste certaine : de 1961 aux années 1990, l'essentiel s'y trouve, y compris une esquisse de l'histoire de Sir Clement "Coxsone" Dodd et de son légendaire studio par l'historien du Reggae Steve Barrow. Suit une présentation rapide et sans prétention des raisons pour lesquelles l'amateur est sensé reconnaître une pochette issue dudit label, et ce par le boss de Soul Jazz, Stuart Baker, qui édite là son 7e ouvrage : le second consacré à la musique JA, le 3e exclusivement dédié à des couvertures de disques.
Ceci définitivement posé, voyons d'un peu plus près le genre d'infos que compile ce superbe livre : outre nos illustrations de pochettes sont renseignés pour chacune d'elles et lorsque c'est possible l'année de sortie, le label puisque ça part de Port-O-Jam pour aller jusqu'à Bamboo UK, le graphiste, l'auteur des notes de dos et les possibles supports alternatifs utilisés pour des éditions limitées, à savoir la soie qui supplée de temps à autre le traditionnel papier cartonné. Concernant ce dernier en revanche, ça n'est pas dans cet ouvrage que l'on apprend que le premier papier utilisé pour les productions de Dodd ne fut rien d'autre que des cartons de thé Lipton... Anecdote, certes, mais anecdote qui rejoint sans sourciller le bataillon des hauts faits des jamaïcains en matière de recyclage, que ce soit de plastique et autre pétrole ou au niveau musical tout court. Enfin, le "zieuteur", puisqu'il n'y a quasiment rien à lire, aura la surprise d'y retrouver un certain nombre de versions différentes de pas mal de pochettes, selon qu'elles aient accompagné la sortie d'un disque en Jamaïque, aux Etats-Unis ou en Angleterre, lors de leur première édition ou d'une sortie postérieure. Du tout bon en info brute! Or, si le partenariat Studio One/Soul Jazz inauguré vers 2000 et d'abord concrétisé par la sortie du DVD "Studio One Story" -vu et revu, jamais chroniqué ici!- a dû grandement faciliter une telle tâche, il n'en reste pas moins la somme d'un travail que j'imagine aisément considérable. C'est que la recherche de crédits jamaïcains n'a pas dû être une promenade de santé! Quoi qu'il en soit, et en ce qui me concerne côté découvertes, mention spéciale pour les créations d'Horace Ové pour le label Bamboo de Junior Lincoln : des visuels à caractère fortement ethnique voire ethnographique par l'un des spécialistes de la population noire en UK et accessoirement réalisateur du rare mais fabuleux documentaire "Reggae 1970". Un bien joli CV que le sien!
Pour terminer, ce "petit" compte-rendu serait incomplet si je ne faisais pas mention des différentes rondelles apparues au centre des vinyles, quoique compilées sans autre information exploitable. Parce que, non, ce livre n'a finalement rien à voir avec un catalogue. Vous n'y trouverez aucun numéro de série ailleurs que sur les pochettes exposées ; le mode de classement choisi fait quasiment fi de toute logique. Bien sûr, on a des pochettes classées par artistes, par compilations ou encore par genres comme c'est le cas pour les albums de Gospel. J'aurais pour ma part peut-être choisi le plus simple, quoique pas forcément évident à mettre en oeuvre ; mais en l'absence d'index et donc de renvois d'une info à l'autre, un classement chronologique aurait au moins permis une meilleure approche quant à l'évolution des styles, des thèmes, des choix de graphistes et j'en passe. Même les informations présentes et évidentes sont parfois difficiles à réunir, comme c'est le cas pour la silk sleeve du "Born To Love" de Slim Smith dont il ne faut pas hésiter à chercher les différentes apparitions tout au long de l'ouvrage, contrairement à d'autres exemples bien renseignés, pour tomber sur le fameux sésame. Ceci dit, je ne vous dirai pas si c'est l'exception qui confirme la règle : à vous de vous faire votre idée en feuilletant ce magnifique livre puisqu'après tout, c'est bien la première chose qu'on lui demande! En attendant un équivalent pour les autres labels de musique Jamaïcaine? Je ne souhaite rien de moins!
[19/01/2012]