This Is Desmond Dekkar / Desmond Dekker. - Trojan TTL 4, 1969.

This Is Desmond Dekkar - Desmond Dekker

desmond dekker this is desmond dekkarAaaah! Je ne savais pas trop par quoi continuer cette série de chroniques de classiques Reggae pour faire vivre cette section -et le site avec-, et puis je suis retombé sur cet album. Enfin, on s'est compris, plutôt un pot pourri des derniers succès de l'artiste en question, comme c'est de coutume pour les acteurs de ces styles jamaïcains. Donc, je jette un coup d'oeil sur la tracklist, me demandant si, justement, c'est pas trop classique. Réponse : des chroniques de classiques sans le plus classique d'entre eux?!? J'aurais bien tort de m'en priver, d'autant plus que c'est toujours l'occasion de se réécouter quelques fabuleux morceaux, de se remémorer quelques faits, voire de découvrir quelques détails plus ou moins décisifs pour l'image que j'ai pu me faire de cette musique que je ne me lasse pas d'écouter. Desmond Dekker, donc... Certainement un des premiers qui m'a fait aimer la période 60's jamaïcaine. Ca commence toujours ou souvent par Israelites, puis on cherche à en savoir un peu plus, puis on se laisse prendre... Et avec Desmond Dekker, c'est tout bonnement... Bon!


Israelitesisraelites pyramid. Non, il n'est pas sur cet album, mais il était déjà sorti en UK lorsque cet opus mal titré -mais entre le Desmond Dacres d'origine, le Dekker finalement adopté et le Dekkar qui nous choque ici, on se dit que ce fameux accent jamaïcain, le même qui a longtemps empêché les auditeurs d'Israelites de comprendre ce qu'ils écoutaient, a bien mis le boxon chez les anglais!- a fait son apparition dans les bacs britishs, un an plus tard. C'était même un titre très en vogue dans les sounds avant d'éclater à la face de l'Angleterre, en avril 1969. Certes, ça ne dura qu'une semaine, mais ce 19 avril 1969, Desmond Dekker piquait sa belle place à Marvin Gaye et son superbe I Heard It Through The Grapevine pour s'en faire déloger le 26 par Get Back des Beatles. Rien de bien grave puisque le monde entier étalait cet engouement pour ce fabuleux titre en le plaçant tout en haut des classements nationaux, au soleil : ce fut le cas au Pays-Bas, en Jamaïque, en Afrique du Sud, au Canada, ainsi qu'en Suède et RFA (la France ne l'ignorait pas non plus au vu de ces pochettes de pressages 69israelites polydor france 1969 desmond dekker, 70'sisraelites desmond dekker et autre 70'sisraelites desmond dekker)... Excusez du peu! Et puis il y a ce #9israelites uni us desmond dekker 45 aux USA, où même le planétaire My Boy Lollipop de Millie n'avait pas aussi bien percé. Une véritable tempête, et rien de moins qu'une référence lorsqu'on s'intéresse à Mister Dekker. Et c'est justement là que cet opus -on revient sur le TTL 4, oui!- est finalement bien tombé en ce fameux mois d'avril 1969, et bien nommé : à travers 12 titres, il retrace le frais parcours de notre chanteur. Non, pas depuis ses débuts et Honor Your Mother And Father, en 1962 ; juste sur sa période Rocksteady et les deux années qui viennent de s'écouler. Ce n'est donc pas pour rien qu'il reprend ou recoupe les premières sorties LP qui lui ont déjà été consacrées ("Action!action desmond dekker" avec Mother Pepper, Unity, 007007 desmond dekker, It Pays, Sabotage, Mother Young Gal ; "007, Shanty Townaction desmond dekker" -1967- avec les mêmes moins It Pays et Sabotage et plus Rudie Got Soul, Shing A Ling et Wise Man ; "Intensified (Festival Champ)intensified desmond dekker" en 1968 avec Wise Man), préparant le terrain à de futurs enregistrements réunis par la suite dans "The Israelitesthe israelites desmond dekker" en 1969, "Israelitesisraelites uni us desmond dekker" en 1970 et "You Can Get It If You Really Wantyou can get it if you really want desmond dekker", en 1970-... Car après cette date et la mort de Leslie Kong, en 1971, on peut considérer que Desmond Dekker n'a malheureusement plus rien eu à apporter au Reggae, se contentant de reprendre ses succès pour d'autres producteurs, ou au mieux en jouant avec d'autres groupes (les Specials dans les 80's) ou sur scène, jusqu'à sa mort en 2006.


C'est d'ailleurs l'occasion de s'attarder un peu sur le producteur que fut Leslie Kong et le rôle qui fut le sien, tout autant dans la carrière de Desmond que dans le succès que rencontra la musique Jamaïcaine au tournant des années 60 et 70 Outre-Manche. Comme on a déjà pu s'en douter (on l'a déjà croisé dans les chroniques consacrées aux "Long Shot" et "Roll On Muddy River" des Pioneers, ou encore celle qui retrace le parcours de Clancy Eccles jusqu'à son "Freedom"), le Sino-Jamaïcain n'est rien moins qu'un hit maker à son niveau, le seul véritable outsider capable de rivaliser avec les géants de Studio One et Treasure Isle. Ca ne doit d'ailleurs pas être un hasard s'il flaira le bon coup avec Desmond Dekker quand ses deux rivaux l'avaient mis à la porte! Mis sur les rails du bizz musical JA dès fin 1961/début 1962 avec la complicité de Jimmy Cliff et l'aide de Derrick Morgan (qui auditionna D.D., donc) et Monty Morris, le producteur ramifia rapidement son réseau, tant du côté artistique que purement business. A la fin des années 1960, il comptait ou avait compté dans son écurie bon nombre d'artistes que les succès s'étaient empressés de confirmer : on a déjà parlé des Pioneers, Clancy Eccles, Jimmy Cliff, Derrick Morgan, mais les Maytals, Melodians, Laurel Aitken, Ken Boothe, Slickers et autres Wailers, pour n'en citer que les plus connus et appréciés en UK, firent tour à tour partie des habitués de Beverley's. Desmond Dekker en fut lui aussi, à ceci près que Leslie Kong fut le seul et unique producteur avec qui il fut véritablement créatif. A ce titre, leur parcours est tout à fait parallèle. Les artistes pouvaient donc compter sur un homme qui avait un certain flair artistique, pas d'à priori sur les thèmes abordés et poussant le vice jusqu'à créer un son bien caractéristique à ses productions, dénuées de fioritures, mélodiques, nerveuses et flirtant parfois dangereusement avec la Pop. Surtout, ils avaient là un businessman prêt à les rémunérer et à leur faire profiter du réseau établi grâce, entre autres, à son amitié avec Chris Blackwell ; il avait donc ses entrées en UK. Mieux, Beverley's fut dans un premier temps le pourvoyeur principal de productions jamaïcaines en Angleterre, lorsque Blackwell fonda Island et par la suite, Trojan. Le status-quo fut suspendu un temps, lors du rachat de ce dernier label par Lee Gopthal, appuyé par son réseau de distribution, Beat & Commercial (B&C), en 1968. Leslie Kong misa en effet sur un autre numéro en concluant son petit accord avec Graeme Goodall et Doctor Bird qui lui consacraient le sous-label Pyramid : ce dernier devint ainsi le réceptacle des morceaux concoctés par le Sino-Jamaïcain et ses acolytes : Desmond Dekker y compte une vingtaine de titres qui y cotoient bon nombre de singles de Jimmy Cliff, Derrick Morgan et autres Maytals... Avec la disparition des marques de Goodall en 1969, son catalogue et les prods Beverley's finirent chez Trojan. Ces partenariats furent finalement profitables à toutes les parties, puisqu'avec l'avènement du Skinhead Reggae au Royaume-Uni, les ventes du concurrent historique de Trojan finirent par être mises à mal sur les terres de Sa Majesté : Pama ; trop orienté "skinheads", resté trop "ethnique", le label du 78, Craven Park Road souffrit quand les principales productions de Kong -et pas que...- séduisaient tout autant cette frange de passionnés de Reggae qu'un public plus lambda... Mais revenons à notre "This is..."


"... Desmond Dekkar". Cet album est finalement si représentatif de l'artiste qu'il saborda même les ventes du désormais rare "The Israelitesthe israelites desmond dekker", sorti la même année par Doctor Bird et crédité, lui, à Desmond et ses Aces (pour l'heure Wilson James et Easton Barrington Howard) ; le "Best Of... Rockin'Steadythe best of desmond dekker" que lui consacra Beverley's en 1970 ne fait pas beaucoup mieux, n'ayant pour lui que le bénéfice de couvrir une plus large période. Et ça commence fort avec le 007 (Shanty Town), le Rude Boy Song par excellence, le titre qui internationalisa le thème en perçant bien avant Israelites dans les charts UK (Top 15) et US, durant l'été 1967 : "Oh oh seven / Oh oh seven / At ocean eleven / An'now rudeboys'ave a wail / 'Cause them out of jail / Rudeboys cannot fail / 'Cause them must get bail / Dem a loot, dem a shoot, dem a wail (a shanty town) / Dem a loot, dem a shoot, dem a wail (a shanty town) / An'rudeboys out on probation (a shanty town) / An'rudeboy bomb up de town (a shanty town)..." Si ça n'est pas de l'apologie ça! De plus influencée/supportée par une référence ouverte à James Bond ainsi qu'au film "Ocean's Eleven" (aka "L'inconnu de Las Vegas" de Lewis Milestone, 1960, une histoire de braqueurs menés par Franck Sinatra)... Un hit en puissance, entêtant et reprennable à souhait! Sabotage suit dans une veine différente mais tout aussi fluide, Rocksteady plus que juteux en choeurs suaves, commentaire social engagé plutôt éloigné de la complaisance affichée dans maints de ses titres vis-à-vis des Rudeboys. Un titre qui a son pendant avantageux sur la face B de cette galette, avec Unity. Shing A Ling est un autre de ces hymnes où l'on danse et chante, un titre à la hauteur de tous les autres, y compris les trop nombreux absents ici, comme Desmond Dekker savait les faire! Hey Grandma met en avant une autre facette de la personnalité de notre homme. C'est qu'il a, comme bon nombre de ses confrères, appris à chanter à l'église, au milieu d'une société empreinte jusqu'à la moelle de religion chrétienne, et donc de moralité. Du coup, ça tient forcément une grande place dans son répertoire (n'a-t-il pas commencé avec Honour Your Mother And Father?), tout comme sur cet opus où Mother Pepper, It Pays (aka If It Pays) ou encore Mother's Young Girl entrent dans la même veine. Enfin, pour mettre fin à cette chronique longue et plus ou moins étriquée, après avoir définitivement tourné ce disque, on se délectera sur le Music Like Dirt (aka Intensified Festival'68), titre avec lequel Desmond Dekker remporta le Festival Song Contest 1968 (aussi appelé Jamaïca Independence Festival, mis en place en 1966 et ayant jusque-là récompensé les fabuleux Bam Bam des Maytals, puis Ba Ba Boum des Jamaicans) : "... Music like dirt for your money's worth / Music like dirt for your money's worth / Sing it to me children / Rum bam a loo bam bam bambeloo / Rum bam a loo bam bam intensify / Girls like sand to match every man / Girls like sand to match every man / Sing it to me children / Rum bam a loo bam bam bambeloo / Rum bam a loo bam bam intensify / Oh, girls can't hide from intensified guys / Music that stays on for extra days / Intensified boys with thoughts full of joy / Intensified girls with their fancy clothes / Sing it to me children..." : plus léger tu peux pas, ce qui n'a pas empêché un obscur groupe, The Message, de le reprendre en 1970, sous le titre Rum-Bam-A-Loo. En tous cas, ça contraste quelque peu avec le Rudy Got Soul qui suit et met fin à cet article : Rudeboys'represents, this is... Desmond Dekker!


Tracklist: A: 007 (JA : Beverley's ; UK : Pyarmid PYR 6004-A, 1966) - Sabotage (JA : Beverley's ; UK : Pyramid PYR 6020-A, 1967) - Shing A Ling (JA : Beverley's ; UK : Pyramid PYR 6035-B, 1967) - Hey Grandma (JA : Beverley's ; UK : Pyramid 6047-A, 1968) - Beautiful And Dangerous (JA : Beverley's ; UK : Pyramid PYR 6031-A, 1967) - Wise Man (JA : Beverley's ; UK : Pyramid PYR 6003-A, 1966) - B: Music Like Dirt (aka Intensified Festival'68, JA : Beverley's) - Rudy Got Soul (ou Rudie Got Soul, JA : Beverley's ; UK : Pyramid PYR 6008-A, 1967) - Unity (JA : Beverley's ; UK : Pyramid PYR 6017-A, 1967) - Mother Pepper (JA : Beverley's pre ; UK : Pyramid PYR 6044-A, 1968) - It Pays (JA : Beverley's ; UK : Pyramid PYR 6026-A, 1968) - Mother's Young Girl (ou Mother Young Gal, JA : Beverley's ; UK : Pyramid PYR 6012-A, 1967).




[01/11/2009, MAJ 11/2010]



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