Freedom / Clancy Eccles. - Clandisc TTL 22, 1969.

Freedom - Clancy Eccles

clancy eccles freedomAvec cet album de l'imaginatif artiste que fut Clancy Eccles (1940-2005), voilà un nouveau prétexte pour survoler ou revoir un pan non négligeable de l'histoire du Reggae. C'est que, dès 1959, l'homme gravait ses premiers titres pour Coxsone, et plus tard avec Leslie Kong ou encore Lyndon Pottinger, avant de prendre une part significative à la naissance du style et du terme Reggae (encore que là, nombre de versions sont à mettre en concurrence) en produisant ses propres titres et sa propre écurie pour ses labels (Clandiscclandisc, New beatnew beat, Clancy's...), dès 1967. Cette année-là marque donc les débuts de son époque la plus prolifique et de l'enchaînement de nombreux succès. En effet, que ce soit d'un côté ou de l'autre de l'Atlantique, il a su atteindre une large et fidèle audience; ce LP, l'unique en son nom propre, constitue un pot-pourri de quelques uns des meilleurs titres qu'il a lui-même interprétés.


L'un des principaux mérites de Clancy Eccles le chanteur/producteur est d'avoir su bien s'entourer: ce sont les Dynamites qui jouent sur tous les morceaux de cet album, à savoir un groupe de musiciens expérimentés, lesquels jouaient aussi pour Derrick Harriott entant que Crystalites. On y trouvait Winston Wright et Aubrey Adams à l'orgue, Jackie Jackson à la basse, Gladstone Anderson au piano, Paul Douglas, Hugh Malcolm, Joe Isaacs ou Winston Greenan à la batterie, Val Bennett et Dennis Campbell au sax quand Bobby Ellis et Johnny Moore assuraient aux trompettes, Hux Brown, Bops Williams et Ernest Ranglin aux guitares ainsi que Sticky et Denzill Laing aux percussions ou encore Arkland Parks à l'harmonica et à la flûte traversière. Autrement dit, beaucoup de noms qui, depuis, sont entrés dans l'histoire de cette musique quand ils ne l'étaient pas déjà à l'époque. Sous la houlette d'un exigeant Clancy Eccles, qui baignait dans le milieu musical de Kingston depuis la fin des années 1950, ils avaient entamé la progressive mutation du Rocksteady en Reggae. Un fait d'armes qui aurait commencé sous l'impulsion de Duke Reid pour prendre forme avec l'enregistrement de Say What You're Saying d'Eric "Monty" Morris, une première production sortie sur New Beat en 1968.


Partant de là, impossible et hors de propos d'énumérer toutes les bonnes choses qu'a faites Clancy Eccles. Il faut pourtant relever la bonne réputation qu'il avait en Jamaïque, où il était très apprécié des artistes qui travaillèrent avec lui (d'aucun ont souligné le respect et l'attention qu'il leur portait, ne serait-ce qu'en les rémunérant justement); il l'était tout autant du peuple jamaïcain, et son engagement politique auprès de Michael Manley et du PNP ne devait pas y être étranger. Et puis, artistiquement, il est quelques succès auxquels il apposa sa patte novatrice : le C.N. Express du Clancy Eccles Allstars en 1968, Fire Cornerfire corner de King Stitt en 1969, Phantomphantom dynamites des Dynamites en 1970 ou encore Foolish Foolfoolish fool cynthia richards de Cynthia Richards en 1970 ne sont que quelques exemples que l'on peut en partie retrouver sur la compilation éditée par Trojan en 1988, Fatty Fatty / Clancy Eccles & FriendsClancy Eccles & Friends Fatty Fatty. Au chant, son Feel The Rhythmfeel the rhythm est un incontournable depuis son enregistrement en 1968 et un de ses rares hits non présents sur ce Freedom. Il arrangea aussi des titres comme le People Funny Boy de Lee "Scratch" Perry ou finança l'enregistrement de hits en devenir tel le fabuleux Blood & Fireblood and fire de Niney The Observer. Autant de références qui ont aussi fait les belles heures du Reggae en Grande-Bretagne (nombreux sont les labels UK qui, à la chasse aux hits, l'ont distribué) et qui donnent un aperçu significatif de l'apport de Clancy Eccles à ce style. Une influence qui ne s'arrête encore pas là puisqu'il aurait par ailleurs lui-même baptisé le genre au cours d'une soirée, en proposant à une danseuse aux moeurs pour le moins libertines "Hey streggae come make we... reggae!".


Freedom... Tout l'engagement et la carrière artistique de Clancy Eccles pourraient être résumés dans ce titre qu'il enregistra plusieurs fois à partir de 1959. Coxsone ne le publia qu'en 1961 après l'avoir usé jusqu'à la corde en sound-system : là, ses débuts furent marqués par une présentation made in Count Machuki qui n'hésita pas à le passer plus d'une vingtaine de fois durant la nuit! Evidemment, ça n'était pas la version présente sur cet album, mais le propos, qui déjà visait le rapatriement en Afrique, devait rester d'actualité par la suite. Selon Clancy Eccles, ce titre aurait même été repris comme hymne par le Mouvement des Droits Civiques US. Le superbe What Will Your Mama Saywhat will tour mama say pama devint un Skinhead Anthem en Angleterre et figure à ce titre sur l'incontournable compilation du genre qu'est Skinhead Revoltskinhead revolt où il est crédité Clancy Jones. Two Of A Kind continue cette face A sur un tempo plutôt tranquille mais enjoueur quand The World Needs Love revient à un son où l'orgue tient le haut du pavé pour porter un thème dont on a du mal à croire qu'il ait fait des émules auprès de l'audience anglaise. Mais What Will Your Mama Say l'a bien fait aussi! Dollar Traindollar train élève le tempo avec une rythmique très dense et dansante où les choeurs appuient superbement le chant tout en appels de Clancy Eccles : un des titres les moins connus de cet artiste, et on pourrait se demander pourquoi... Enfin, Constantinople ferme tranquillement cette face quand la B enchaîne sur trois des gros hits de notre homme : Fattie Fattiefattie fattie, l'un des Rude Reggae et principaux succès anglais, un de ces titres que l'on ne se lasse pas de reprendre, à l'instar de Lloyd Charmers et ses Lowbites (I Love You Fatty). Auntie Lulu fait dans la même veine, et pourrait souligner sur le coup l'autre réputation de Clancy Eccles, celle d'un homme à femmes. On ne présentera pas Shu Be Du, autre boss-sound organique -ou orgasmique?- présent sur le Skinhead Revoltskinhead revolt, quand My Girl adopte un rythme léger et plus uptempo. Pour terminer, une oreille plus ou moins distraite risquera de se poser sur I Need You quand, à nouveau, Mounzion recapte bonnement l'attention. Beaucoup de très bon au final!


Tracklist: A: Freedom - What Will Your Mother Say (Pama PM 701-A, 1968 et Pama Supreme PS 332-A, 1971) - Two Of A Kind (Pama PM 729-B, 1968) - The World Needs Loving (Clandisc CLA 201-A, 1969) - Dollar Train (Clandisc CLA 201-B, 1969) - Constantinople (Trojan TR 648-A, 1969) - B: Fattie Fattie (Trojan TR 658-A, 1969) - Auntie Lulu - Shu Be Du (Duke DU 031-B, 1969) - My Girl (Trojan TR 649-A, 1969) - I Need You - Mounzion.




[12/04/2009 - MAJ 30/08/09]



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