Chéribibi, zine et auteur par REST... 2° partie

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Par contre, MAIAKOVSKI s'est fait remballer tout comme MALEVITCH... Ils étaient quand même au départ de l'action... Moi, là dedans y'a un truc qui m'échappe.


Les constructivistes russes n'étaient pas «une élite», c'était pas le haut du panier (de crabes), ils ont fait la révolution en 17 et ont cherché à la propager dans la durée et dans leurs domaines respectifs avec de la sincérité plein les tripes, l'envie de créer de nouveaux rapports sociaux. On va pas épiloguer quant à la faillite de la révolution russe sous les manouvres récupératrices des nouveaux bureaucrates en place (aidés indirectement par l'attitude du reste du monde vis-à-vis de l'URSS), ceux que DEBORD appelait «les nouveaux propriétaires du prolétariat», mais il ne fait aucun doute que MAÏAKOVSKI ne s'en est pas remis, jusqu'à son suicide en 1930.



Et en 2005 c'est quoi la place de la littérature et des autres moyens d'expression dans la culture POPULAIRE?


Encore une très bonne question Jean-Pierre! Mais loin d'y répondre avec le ton sentencieux d'un juge d'application des peines proclamant qui et quoi est populaire et qui et quoi n'est que mirage visant à détruire la créativité ainsi que tout sens critique des victimes de la société spectaculaire marchande, je préfère compléter ce qui a été dit plus haut en cheribibi par restvous invitant à constater avec moi que la culture populaire est trop souvent confondue avec deux choses qu'elle n'est pas. Elle n'est pas de "l'animation sociale" à destination des familles et quartiers dit "défavorisés" et généralement institutionnellement commandité dans le but d'apaiser tensions et rancoeurs envers la société telle qu'elle est. Elle est encore moins de la culture "de masse" produite à la chaîne par l'industrie médiatique moderne afin de proposer des modèles de vie prédéterminés, une vision aseptisée de la musique, du cinéma, du théâtre, de la littérature, une vision préfabriqué du réel à travers de faux "sujets d'intérêt général", une méfiance absolue envers tout hors champ et toute marge, et enfin une formidable machine de guerre idéologique envers les cultures authentiquement populaires (« qui appartient au peuple, qui concerne le peuple, issue du peuple » d'après le Larousse) qui, dès qu'une recette peut en être dégagée, sont pillées à des fins de récupération purement mercantiles. Non, qu'elle vienne d'Afrique ou d'Asie, de la Jamaïque ou de la banlieue de Paris, la culture populaire est trop jubilatoire pour être fabriquée en laboratoire. Par les mots et par l'image, la volonté du Chéribibi (partagée par tous ceux qui y participent) est de rendre hommage à cette créativité qui ne s'est pas façonné dans les officines publicitaires mais dans les rues d'ici ou d'ailleurs, dans les champs de coton plutôt que dans les salons, dans les faubourgs de Kingston en 1964 ou à Marseille le mois dernier. C'est à la fois le tribut que nous entendons payer à nos aînés -des pionniers de la valse-musette à ceux du rythm'n'blues- autant que la visibilité que nous souhaitons apporter à tous ceux et toutes celles qui, aujourd'hui, font vivre la culture populaire malgré la pression écrasante des chantres de la malléabilité des cervelles. Mais n'est-ce pas ce pourquoi les fanzines sont fait? REST en est d'ailleurs un bon exemple avec sa volonté d'interviouzer des besogneux dans mon genre. Soutenez ceux qui vous soutiennent, comme ça on se soutiendra tous et c'est de cette façon uniquement que deux unijambistes réussissent à ne pas se viander la tronche et deux manchots à faire un flipper.



C'est toi qui a torché la pochette des JANITORS aussi, ça c'est passé comment cette histoire?


Bah dès que j'ai su que c'était un groupe super ambigu j'ai tout de suite eu envie de bosser pour eux vu que, c'est bien connu, je suis moi-même un ambigu d'extrème-gauche. Ce que j'ignorais par contre, c'est que leur ambiguïté est surtout sexuelle et depuis ils me harcèlent, je n'en peux plus, ils sont pires que Joss de HARD-TIMES, l'anarchosyndicaliste tripoteur (et ambigu naturellement). En fait, le graphisme du 6 titres des LUTECE BORGIA ayant plu à Ben UVPR , il m'a proposé de torcher les pochettes des prods de son nouveau label UVPR Vinyles (SWINGO PORKIES, MOONLIGHT WANKERS, THE JANITORS et récemment le split JANITORS/LUTECE BORGIA) sous la menace de me faire écouter en boucle l'intégrale de BRUTAL COMBAT à chaque fois que je viendrais chez lui draguer sa femme. Y'a des arguments imparables.



Ouais, on t'a vu au côté de Ben UVPR pour des interviews, tu peux nous causer de votre rencontre?


Mais je le connais pas ce type! Quoique si tu m'paie une bière je dis tout ce que je sais sur lui. C'est OK?


Bon alors les 1ères fois qu'on s'est rencontré, on a failli se mettre sur la gueule.Sous de faux prétextes (a)politiques mais en fait pour une histoire de gonzesse évidemment. Puis on s'est revu à l'occaz d'une manif et moi, quand je vois un «skin apolitique» dans une manif, je le trouve déjà plus sympathique. On est devenu franc camarades (de beuverie) à Florence lors du 1er Forum «Social » Européen et depuis on ne se quitte plus, qu'est-ce que tu veux, c'est l'amour! Ceci-dit, demande-lui sa version qu'on rigole.



Au départ de l'action, et dans votre approche de la zique vous avez pas forcément la même façon d'appréhender le truc?


cheribibi par restCe qui, je pense, nous réuni, c'est déjà qu'à l'instar de tous les skins de Belleville on est des tondus détendus (ça fatigue de croiser les bras en matant les aut' de haut, style douanier ricain), qu'on partage une approche de la politique anti-autoritaire, une conscience de classe sans prosélytisme politicien quelconque et qu'on sait se saper nom de dieu! Si tu veux un chapitre «psychologie de comptoir», disons qu'on est pas rentré dans l'trip skin par la même porte (moi par le Ska , lui par la Oi !), qu'on est très différents mais que, a mi parecer, on se complète assez bien. Je crois que nos itws en commun et nos zines respectifs en sont la preuve.



Je me souviens d'ailleurs de l'interview de Roy LAST RESORT assez "pimentée" tu peux nous en dire plus... il devait y en avoir une tranche dans Cheribibi en complèment d' UVPR et ça a capoté?


Non. Contrairement à l'itw des BERUS, il n'y a pas de version «unplugged» de celle de LAST RESORT. Donc si je publie l'itw de Roy PIERCE, elle sera semblable à celle sortie dans UVPR . En fait, je pense réserver mes itws déjà publiés ailleurs (telle celles D'OI POLLOI dans Barricata ou de Rico RODRIGUEZ et ALPHA BLONDY dans Reggae Mag ) à ce fameux «Chéribibi de 5 à 7» évoqué plus haut. Pour ce qui est des circonstances de l'itw, LAST RESORT devait jouer au Nouveau Casino à Paname, concert organisé par les aminches des Troubadours du Chaos (le couple le plus glamour de la scène), mais ça a été annulé suite à des coups de fil malintentionnés (qui a dit jaloux?) à la salle avertissant que le concert risquait d'être «chaud». Les LAST RESORT, ayant déjà leurs biftons, décidèrent de se payer tout d'même un trip à Pâris. On les a donc interviouzés au Petit Garage , bar R'n'R sympatoche et, si tu veux mon avis (apparemment c'est le cas), Roy est totalement à la masse. Mais pour ma part, ses réponses ne m'ont pas surprises, je savais que j'interviouzait pas Mensi ou Roddy. Le seul truc qui m'a «choqué» c'est qu'il dise n'avoir jamais vraiment écouté de Reggae. Après, son patriotisme. C'est un rosbif , je savais à quoi m'attendre. Mais quand t'interviouze un type, c'est pas pour faire le béni-oui-oui à tout ce qu'il dit, ce qui explique certains aspects de ladite interview. C'est d'ailleurs pour ça que dans le Chéribibi je dis «une causerie» plutôt qu'une «interview» même si effectivement ç'en est une. J'préfère le dialogue au discours (et pourtant qu'est-ce que je cause.). Ça va comme réponse?



Et avec le père MORENO, cet été (2005, ndlr)

c'était comment, il t'a raconté des trucs qui déboîtent, t'as des anecdotes, des confidences?


Oui, il m'a dit que le SHARP c'était qu'un moyen de se faire du fric, qu'il a fumé ses 1ers joins avec Ian STUART sous un platane. Non je déconne (aïe! Pitié Roddy!). Écoutes, tu liras tout ça en 2006. avec la 1ere itw jamais faite de son frère Dom (V. dans le Numéro 13, ndlr). D'ailleurs à ce propos, j'ai maintes fois remarqué qu'on ne prêtait pas assez d'attention aux «seconds couteaux» pour se focaliser sur les «leaders». Or THE OPPRESSED, pour rester sur cet exemple, ce n'est pas Roddy & His Boys , même si c'est sûr qu'il en est la locomotive. Mais comme à St   Brieuc, les wagons méritent notre attention. D'ailleurs un site existe avec des tofs de ce festoche d'anthologie : http://www.blogg.org/blog-24971-themes-45188.html  (photos que vous pouvez retrouver ici, ndlr)



Tu penses quoi des reformations parce que visiblement quand tu causes avec Derrick MORGAN ou Ken BOOTHE... C'est du non-stop ils n'ont jamais arrêté, comme Tai Luc...?


Oui, mais il faut mettre un bémol : si des types arrêtent c'est souvent lié à des raisons familiales, personnelles ou d'épuisement comme les SPECIALS qui ont tourné sans discontinuer pendant pas mal d'années. On va reprocher à ces groupes de se retrouver, comme on l'a reproché récemment aux BERUS? Les pitres qui disent que le Punk est mort en 77 parce qu'ils y étaient et veulent garder une sorte d'exclusivité qui justifie leurs renoncements sont comme les soixante-huitards devenus donneurs de leçons à la tête d'un grand quotidien (on pense sûrement aux mêmes). Mais pourquoi ceux qui nous ont fait triper lorsqu'ils avaient 20 piges auraient pas le droit de refaire des années après ce qu'ils savent le mieux faire? Même s'ils le font moins bien, ce qui n'est pas une généralité... Des mecs comme Ken BOOTHE ont eu d'énormes passages à vide durant lesquels ils n'ont rien branlé musicalement parlant (sexuellement parlant, je leur fait confiance). Et alors? Les SKATALITES se sont reformés en 86, qui s'en plaindrait ? Les BERUS cassent leur mythe? Tant mieux! Comme je l'écrivais dans le Chéri 14 , les mythes ça fait des trous et dans les trous on met les morts. Les BERUS sont pas morts et nous non-plus d'ailleurs, on va pas chialer. J'ai vu THE OPPRESSED en 96 à Londres, c'était alors leur «avant-dernier concert». Je les ai revus à Berlin et à Salles-Curan cette année, et personne n'avait l'air de s'en plaindre! Ce genre de groupe est toujours. Honnête. Sûrement plus en tout cas que les WHO qui chantaient «Plutôt mourir que d'être vieux» et qui se sont laissé vieillir dans un confort bourgeois (à part ce pauvre Keith MOON). Laurel AITKEN (RIP) nous a prouvé qu'on peut toujours être jeune passé 70 piges, merci à lui! Personnellement, j'espère mourir jeune, mais centenaire.



T'as réussi a chopper des interviews "en live" des titans (je dis pas héros ou stars, c'est mon côté Punk !) des scènes Ska et Oi! Punk internationales... tu dois avoir les poils de dessus les bras qui se dressent des fois et aussi de grosses déceptions peut être aussi? Comment t'arrives à feinter les balaises du s.o... T'as des invits?


Ah, ah! T'aimerais le savoir hein? I'm the king of incrust', the Fantômas of interviouzes! Vantardises mises à part, j'aurais une tonne d'anecdotes à ce sujet, et j'ai été souvent le premier surpris du résultat de mes différents bluffs. Il faut avouer qu'avec le temps, j'ai noué quelques contacts avec des tourneurs, ce qui me facilite à présent la tâche. Évidemment, y'a eu des échecs cuisants (pour approcher Joe STRUMMER notamment) mais en général il s'agit d'être assez smart dans le dressing code et l'air sûr de soi décontract'du mec homologué pour rentrer n'importe où (je me suis d'ailleurs incrusté récemment dans une soirée VIP au Maxim's en suivant ces sacro-saints principes). Pis repérer le bon interlocuteur: un videur qui croit que tu fais partie de la boîte parce que t'étais sur place avant lui ou un amerloque qui croit avoir affaire à un journaliste célèbre (j'ai d'ailleurs parfois usurpé diverses identités de «collègues». Comment ça je ressemble pas à Bruno BLUM?). cheribibi par restSi DE NIRO se fait interdire l'entrée d'une boîte parce qu'il est incognito en survêt', un pauv'cave doit pouvoir y rentrer avec un costard et l'air de connaître l'intimité de MICHOU. De toute façon, comme m'a sorti mon pote Banane -le gratteux des SOUL IN'- la première fois que j'l'ai rencontré (dans les loges de l' Olympia ): «Putain les Skinheads ça s'incruste partout!» Pour ce qui est de l'émotion, évidemment. Quand j'ai rencontré LKJ, je faisais pas le fier. Pareil pour Derrick MORGAN en Allemagne. Heureusement qu'il pouvait pas me voir (étant aveugle), je mouillait ma culotte! Idem quand avec Huggy «les bons tuyaux», vétéran de la scène Ska hexagonale, on est allé chercher Laurel AITKEN à l' Eurostar , ou la journée à visiter Paname avec Derrick HARRIOTt en essayant de lui expliquer l'histoire de la Commune au pied du Sacré-Coeur, ou encore quand PRINCE BUSTER m'a dit, à l'issue d'une itw à plusieurs en Catalogne, qu'il avait trouvé mes questions intéressantes et que j'étais le seul à l'avoir regardé dans les yeux tout du long. Y'a pas à dire, dans des moments pareils, je jouis! Et crois-le ou non, ça n'a rien à voir avec du gonflage de chevilles, c'est une pure joie de môme! Rencontrer des artistes qui t'ont fait triper des années durant, qui représentent autant de choses pour toi et, en l'occurrence, pour l'ensemble des amateurs de weggae music , rend heureux n'importe quel skin, qu'il soit zicos, zineux ou «simple public»! D'ailleurs, s'il m'arrive de faire dédicacer un disque pour mézigue ou un pote, je m'prend quasiment jamais en tof avec le bonhomme que je viens de passer à la question (j'ai même pas posé avec Laurel ou Buster, c'est dire), lui causer et lui serrer la pogne en le regardant dans les yeux constitue une émotion trop pure pour avoir envie de frimer avec. Il y aurait un côté sous-verres au mur d'un gastos où on voit le proprio se la jouer ami d'enfance avec Johnny, Zidane et toutes les célébrités ayant traversé son rade pour aller pisser. Enfin c'est mon sentiment. En tout cas, ramener une réponse à quelques interrogations en suspens sur la carrière de tels «darons» est le plus beau souvenir que je puisse partager avec le lecteur passionné. Les zines c'est comme les groupes Punks , y'a pas de différence entre ceux qui les font et ceux qui les lisent. Si je suis jouasse de la rencontre, je sais que ceux qui vont la lire, fusse deux ans après, vont bicher aussi. Et le plus beau compliment qu'un lecteur ait fait sur mes interviews c'est de dire qu'il croyait entendre la radio en lisant! Bon y'a des fois je merde grave, genre j'ai fait l'itw de Marcia GRIFFITHS complètement bourré, elle hallucinait! Pareil avec Dave BARKER et Dennis AL CAPONE, heureusement que je les avait rencontrés plusieurs fois auparavant. D'ailleurs c'est fou comment les jamaïcains savent se montrer patients avec les abrutis de mon espèce qui baragouinent anglais pire que Fred SKARFACE. Et puis y'a les trucs rigolos, comme l'interview de Max ROMEO dans les chiottes de La Scène à Vernouillet, avec le SO qui me tournait autour, persuadé que j'étais un sale facho qui voulait casser du bronzé! Je me suis d'ailleurs un peu «accroché» avec l'un d'eux en fin d'soirée, sur scène! ça, les embrouilles avec les SO, une de mes autre grande spécialité. Enfin, ils sont un peu là pour ça aussi. En ce qui concerne mes déceptions, il y en a plusieurs: Neville STAPLES des SPECIALS qui ne m'a causé que de sa ligne de fringues, John HOLT qui voulait préserver sa voix avant son concert, Fermin MUGURUZA trop épuisé après le show de NEGU GORRIAK à Bayonne (il nous a quand même filé 10 places pour le concert du lendemain à San Christobal et on a sabré le champ' backstage, respect!), POISON IVY et LUX INTERIOR refusant très poliment une interview au pied de la Butte Montmartre ou, moins sympa, Nina HAGEN qui n'en avait rien à foutre et Desmond DEKKER m'envoyant sur les roses avec un air hautain alors que j'avais dû la jouer à la Arsène Lupin pour rentrer backstage. M'en fous, je les aurais!




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