Everybody Needs Love! / Slim Smith. - Pama ECO 9, 1969 [rééd. Pama PMLP 3238, ca 1980].

Everybody Needs Love! - Slim Smith

everybody needs love slim smithKeith "Slim" Smith... Pour ce coup-ci, "Everybody Needs Love!" posé sur la platine, ça sera donc un voyage un peu plus que musical entre les USA, la Jamaïque et l'Angleterre, bien que je ne puisse encore assurer que ce soit là le tiercé dans l'ordre! En fait, ça sera plus sûrement une partie de dominos, ceci amenant cela, sans jeu d'argent mais sans oublier de parler de business et en essayant de garder cette voix fabuleuse dans les parages. Rocksteady, Soul, Early Reggae, Bunny Lee, Pama, Unity : voilà en gros les 6 points de cette chronique, rarement esseulés, souvent cote à cote, avec de toute manière notre artiste du jour et cet album en ligne de mire. Après tout, pourvu d'avoir le bon jeu, suffit de mettre bout à bout... Mais trêve de diversion, autant entrer tout de suite dans le vif du sujet!


Notre homme est né en 1948, et un coup d'oeil sur ses faits d'arme à la date de sortie de cet album a de quoi laisser admiratif. Bon, c'est vrai qu'un gars comme Delroy Wilson a commencé très tôt à voir sa voix gravée dans les sillons -12 ans!-, et la précocité artistique est un trait qu'on avait déjà pu vérifier chez Derrick Morgan. En commençant à enregistrer dès 1964 au sein des Techniques, Slim Smith fait partie de ces jeunes artistes à avoir su saisir leur chance, tout en laissant sa trace au sein de l'une des plus fabuleuses formations vocales de l'île. Ce n'est à vrai dire pas avec ces derniers qu'il a laissé le plus grand nombre de merveilles, mais tout de même, un Little Did You Knowtechniques little did you know island ou autre I Am In Lovetechniques i am in love treasure isle, voilà qui laisse des séquelles, même si leur rythme effréné fait pas partie de ce que je préfère personnellement, surtout s'agissant de productions du Duke. Par la suite, c'est à Studio One que Slim Smith s'essaie à quelques enregistrements solos, intervenant sur des riddims qui deviendront par la suite des incontournables, repris et encore repris : I'll Never Let Goslim smith i ll never let go coxsone pose par exemple les bases à de nombreux autres titres. Mais c'est surtout dans ce studio qu'il a commis l'une de ses sorties de route les plus inattendues. En reprenant un morceau Soul qu'on a pu voir crédité à Joe Tex, il ne s'essaie pas seulement à l'exercice de l'adaptation mais signe un morceau plutôt lourd de sens, revendicatif à souhait, The New Bossslim smith the new boss island : "People are talking, they say I'm down / Won't someone please tell them for me / They just can't see that someone like me / Ooh, was born to be the boss and the king / Of everything". Sûrement son côté boxeur qui ressort ici, mais au milieu d'un répertoire voué aux chansons d'amour, c'est remarquable et ça deviendra par ailleurs un immense classique qu'on retrouve précisément sur notre LP sous le titre I've Been Terrorised, réenregistré pour Bunny Lee. Parce que c'est chez lui qu'on le retrouve dès fin 1967, accompagné de Roy Shirley et Franklin White puis Jimmy Riley et Lloyd Charmers, au sein des Uniques. Au vu des titres qu'ils ont pondu ensemble, parmi lesquels les incontournables People Rock Steadyuniques people rock steady island, My Conversationuniques my conversation lee s ou encore Girl Of My Dreamsuniques girl of my dreams island, j'espère pouvoir m'attarder un peu plus sur cette superbe formation dans le futur, mais le prix pour le moins prohibitif de la compile qui leur est consacrée par Trojanuniques absolutely the trojan en pressage original -comme pour tout ce qui concerne ce groupe- me laisse peu d'espoir, à moins de tomber par hasard sur la version USuniques absolutely the clock tower de cette dernière, déjà plus accessible.


C'est donc sous la houlette de Edward O'Sullivan Lee, aka Bunny, que Slim Smith a obtenu la plupart des ses hits, sous son nom propre ou pas, mais toujours plus ou moins accompagné des harmonies de son groupe. La totalité des titres présents sur "Everybody Needs Love!" porte d'ailleurs la patte Lee. Entré dans la danse des producteurs depuis 1966, ce beau frère de Derrick Morgan a été à bonne école : passé chez Duke Reid et Leslie Kong comme ingénieur du son, il a aussi supervisé les Skatalites pour le label Caltone de Ken Lack durant l'année 1966. Les ficelles du métier ont pour le moins été acquises, et pas seulement au niveau artistique puisque, comme on l'a déjà vu, il a forcément tiré parti de la concurrence entre les labels consacrés à la musique insulaire en Angleterre, traitant sans trop y regarder avec Trojan, qui a aussi récupéré le catalogue d'Island, comme avec Pama, qui finit tout de même par recueillir sa préférence, du moins en ce qui concerne les enregistrements de Slim Smith qui sont dans un premier temps presqu'exclusivement parus sur Unity outre-Manche. Rien, cependant, n'est établi, puisqu'en 1972, encore du vivant de Slim Smith -il se suicide en 1973- alors hospitalisé à Bellevue, est parru un 33RPM intitulé Just A Dream à la fois chez Pamajust a dream pama slim smith et chez Trojanjust a dream trojan slim smith, ce dernier étant crédité comme une production Sonia Pottinger... Autant dire que les albums posthumes paraîtront un peu sous tous les drapeaux. Pour revenir à la division de Pama qu'est Unity, elle avait été précisément créée pour accueillir les productions de notre homme, qui fut le véritable premier partenaire des frères Palmer aux West Indies. Unity a d'ailleurs eu "pignon sur rue" aussi bien en UKslim smith everybody needs love unity qu'en Jamaïqueeverybody needs love slim smith unity, avec toutefois quelques modifications graphiques en ce qui concerne la macaron. Au final, c'est environ 70% des sorties de ce sous-label qui sont de la prod de Bunny Lee, qui est loin de s'en être contenté. Mais la qualité de ses productions n'y est pas pour rien, et s'agissant ici de Slim Smith, il parait inutile de faire une liste, même indicative, des artistes qui sont passés par chez lui.


Côté anglais, on peut aussi dire qu'on à affaire à de nouveaux venus, même en 1969, date de sortie de l'album que je m'efforce de ne pas oublier. Les frères Palmer, Harry, Jeff et Carl, sont arrivés à Londres en provenance de Jamaïque l'un après l'autre depuis le début des années 50, avec semble-t-il pour objectif pas simplement d'améliorer leur quotidien, mais de réussir en tentant crânement leur chance. Commerciaux dans l'âme et de formation, ils ont commencé par ouvrir un magasin de disques qui finira dans les flammes, avant de se lancer dans la nuit londonienne avec l'ouverture d'un night club, le Club 31, plus tard connu comme le Club West Indies, aujourd'hui disparu. Là, ce sont des groupes principalement R&B et Soul qui assuraient le show, et si l'on en croit le témoignage de Monty Neysmith des Pyramids, la musique alors en vogue en Jamaïque, le Ska, y était pour le moins mal perçue. Ca n'a heureusement pas empêché les futurs Symarip de percer par la suite, ni les frères Palmer de se faire une spécialité de la musique JA. Mais ça n'a pas commencé comme ça. En lançant le label Pama en 1967, la fratrie Palmer n'a qu'un objectif : se faire des tunes en vendant de la musique, et leur choix se porte sur les artistes US mal ou pas du tout distribués en Angleterre. Pama est donc à ses débuts un label "Soul". Et comme notre trio a les dents longues, il compte aussi profiter des retombées du succès d'un artiste comme Otis Redding et de leurs origines jamaïquaines. C'est dans cette optique qu'ils signent Beverley Simmons qui leur pondra le premier 33RPM de la marque : Tribute To Otis Reddingbeverley simmons tribute to otis redding. Si l'on jette un coup d'oeil sur la suite de la discographie 33Tours de Pama, on trouve même un disque sensé profiter d'un petit R&R'revival, West Coast Rock'n'Roll'1968milwaukee coasters west coast rock n roll 1968 pama des Milwaukee Coasters, qui n'est autre que le groupe maison phare, The Mohawks, spécialiste des adaptations R&B comme le démontre leur désormais incontournable The Champthe mohawks the champ, initialement paru sans pochette. Heureusement, bizness is bizness, et le succès comptable d'artistes comme Slim Smith, qui décroche un hit avec Everybody Needs Love à Noël 1968, décide les frères Palmer à donner un peu plus de place aux productions jamaïcaines, y compris en les couchant sur des LP avec lesquels Pama compte désormais concurrencer frontalement Trojan, grâce entre autres à sa série "Economy", sensée répondre aux TTL bien que légèrement plus chers, aussi bien à l'époque qu'aujourd'hui. Avec le recul, il est en tous cas assez ironique que le label Pama passe pour celui qui a sorti les titres Reggae les plus rough et originaux outre-Manche, les plus fidèles à leur origine jamaïcaine, quand Trojan se lançait au début des 70's dans l'ajout de violons et autres arrangements d'instruments à cordes dans les productions qui leur étaient envoyées. Si sur la forme, c'est bien le cas, il n'en reste pas moins qu'au fond, le but ultime des frères Palmer était bien de tirer un maximum de profit de leurs sorties, et donc en investissant le moins possible. Le fait qu'ils essaient d'accrocher le wagon "violons etc..." lorsque leurs ventes seront en perte de vitesse vers 1972 est bien là pour le démontrer. Et ce goût prononcé des débuts du label pour la Soul à moindre prix accentue un peu plus ce pli...


Tout ça pour en arriver plus précisément à notre sujet et aux titres qui le composent. J'ai déjà fait référence à Everybody Needs Love, l'un des deux principaux attraits de ce pot-pourri avec son riff d'orgue si caractéristique, et l'un des trois titres de cet album que l'on peut retrouver sur d'autres compiles d'époque, à savoir "Sixteen Dynamic Reggae HitsSixteen Dynamic Reggae Hits" et "Unity's Great Reggae Hits Ska BeatUnity's Great Reggae Hits Ska Beat", où l'on retrouve aussi On Broadway, Too Proud Too Beg se trouvant sur le "Gas Greatest Hitsgas greatest hits pama", crédité aux Uniques. Mais il est tout indiqué de rajouter ici que ce titre est le produit d'une session pour le moins énorme chez Bunny Lee, puisque ce même jour à vu accoucher le studio de trois hits en force, les deux autres n'étant rien de moins que Last Flight To Reggae CityTommy Mc Cook and stranger cole last flight to reggae city unity de Tommy Mc Cook & Stranger Cole, et Bangaranglester sterling and stranger cole bangarang lee's de Stranger Cole & Lester Sterling : du lourd et du tout bon pour Pama qui en fait respectivement ses première et deuxième sorties sur Unity, Everybody Needs Love sortant à la suite du Wet Dreammax romeo wet dream unity pama de Max Romeo, en quatrième position. Et ce n'est qu'un début puisque le riddim en question servira de base au Skinhead Anthem qu'est 1000 Tons Of Megatonroland alphonso 1000 tons of megaton bunny lee de Roland Alphonso. Bunny Lee prouvera d'ailleurs par la suite à quel point il est un maître en matière de recyclage! Et puisqu'on en est au recyclage, rajoutons que ce Everybody Needs Love est une adaptation des Temptations, morceau sorti aux USA en 1965. Et c'est là que je voulais en venir en reprenant les velléités premières de Pama... Bon, outre le fait que, comme on le sait, les artistes jamaïcains se sont fortement inspirés et ont même souvent amélioré ce qui se faisait à peu près dans le même temps aux USA, on a là une compile composée uniquement de reprises! On pourrait avancer qu'ils se sont pas trop mouillés pour ce coup-ci chez Pama, mais la place de cet album dans une discographie déjà bien fournie en musique jamaïcaine calme finalement des ardeurs mal placées... Petit retour aux sources passager et saisie au vol d'un répertoire bien représentatif en la matière : Slim Smith et les Uniques sont coutumiers du fait, à l'image de Build My World Around YouThe uniques build my world around you island, repris à Marvin Gaye & Tammy Terrell -If I Could Build My Whole World Around You, 1967- du déjà cité Girl Of My Dreams, de Jesse Belvin, et surtout de Gypsy Womanuniques gypsy woman lee, un petit bijou signé les Impressions en 1961. Pour revenir à notre 33, ça continue donc avec I've Been Terrorised aka The New Boss, crédité à Joe Tex ; l'affamé A Place In The Sunslim smith a place in the sun de Stevie Wonder, #9 dans les charts US en 1966 ; Never Let Me Go, des Impressions -1963- ; Slip Awayslip away pama  slim smith de Clarence Carter en 1968 et repris par Tyrone Davis en 1969 ; Spanish Harlemslim smith spanish harlem camel de Ben E. King -1961- ; Somebody To Love interprété par Wilson Pickett en 1967, le même repris en 1980 par les Blues Brothers ; Stranger On The Shore, une adaptation du Love Me Tender d'Elvis Presley -1956- ; Burning Desire, adaptation du Love Makes A Woman de Barbara Acklin de 1968 ; On Broadway, un hit des Drifters en 1963 ; Zip-Pa-Di-Do-Da, repris à Bob B. Soxx & The Blue Jeans, 1963 ; et enfin, Too Proud To Beg des Temptations, 1966. 12 pistes, 12 reprises, le compte y est, emballez, c'est pressé!


Pour terminer cette chronique sur un point purement matériel, je soulignerai la réédition de ce LP de Slim Smith, pas toujours facile à détecter en l'absence des indications adéquates chez ceux qui le proposent. Au premier coup d'oeil, il y a pourtant une différence de taille entre la sortie de 1969 et celle du début des 80's : sur la première, la photo est légèrement mal cadrée, Slim Smith sortant légèrement des côtés de la pochette. Mais surtout, l'indication "Economy - mono..." passe sur tout le front, ce qui n'est pas le cas sur le PMLP 3238slim smith 33 everybody needs love reissue 80s. L'autre indice, c'est la présence de la mention "Jet Star Phonographics" au dos de la pochette, situé à la même adresse que Pama, au 78, Craven Park Road. C'est en fait le nom officiel de Pama à partir de 1978. Les frères Palmer, en bons businessmen qu'ils sont, n'ont pas oublié de remettre à contribution une partie de leur catalogue, à savoir les disques qui ont trusté la marque au début des années 1970. C'est donc le cas pour notre album du jour, comme ça l'est pour The Champthe mohawks the champ des Mohawks, Free The Peoplewinston groovy free the people de Winston Groovy, ou encore des albums déguisés à l'image des Best Of Vol. 1lee perry and the upsetters best of et Vol. 2lee perry and the upsetters best of volume 2 pama de Lee Perry & the Upsetters, sortis en 1980 et 1983 et simples copiés/collés des Clint Eastwoodupsetters clint eastwood pama et Many Moods Ofthe upsetters many moods of pama, de 1971 et 1970... Ce qui n'empêche nullement ces derniers d'atteindre des prix plutôt élevés. Dans le même ordre d'idées, il y a eu récemment réédition du Moon Hopderrick morgan moon hop pama de Derrick Morgan, sans qu'il y ait dans ce cas précis quelque mention de repressage, la pochette étant la copie conforme à l'originale. Ca peut-être bon à savoir...


Tracklist: A: Everybody Needs Love (JA : High Note ; UK Unity UN 504-A, 1968) - I've been Terrorised - A Place In The Sun (JA : Unity ; UK : Unity UN 524-B, 1969) - Never Let Me Go - Slip Away (JA : Attack ; UK : Unity UN 520-A, 1970) - Spanish Harlem (JA : Unity pre ; UK Unity 520-B, 1970 ; Camel 081-B, 1971) - B: Somebody To Love - Stranger On The Shore - Burning Desire (JA : Unity ; UK : Unity UN 508-B, 1969) - On Broadway (JA : Unity ; UK : Unity UN 510-B, 1969) - Zip-Pa-Di-Do-Da (JA : Unity ; UK : Unity UN 510-A, 1969) - Too Proud Too Beg (JA : Unity ; UK : Unity UN 515 B, Gas GAS 117-A, 1969).





Evaluez cet article!

5/5 pour 6 votes,

depuis le 14/08/10.



Les autres skeuds cités dans cet article :

45 RPM :


33 RPM :