Double Barrel / Dave and Ansel Collins. - Trojan TBL 162, 1971.

Double Barrel - Dave & Ansel Collins

dave and ansel collins double barrelOn a vu dernièrement comment Israelitesisraelites pyramid de Desmond Dekker avait fait percer le Reggae aux oreilles du grand public en Angleterre. C'était en avril 1969, après quelques longs mois de travail sous-terrain auprès d'un auditoire plus avisé, que ledit single devait éclater à la face du monde, accompagné et soutenu par la sortie du 33 Tours dont il a été question dans ces mêmes pages. En 1970/1971, le parcours du single Double Barreldouble barrel techniques par Dave & Ansel Collins, "duo" fabriqué de toutes pièces, rééditait les faits, à ceci près que plutôt que lancer le Reggae dans le grand bain des Charts nationaux et internationaux, il devait marquer l'apogée du genre en termes de vente. La sortie de ce LP durant l'été 1971 fut un véritable coup de marketing de la part de Trojan et de Winston Riley, son producteur, l'aboutissement du succès sans précédent du single éponyme.


A cette époque, Dave Barker -David Crooks de son vrai nom- avait déjà fait ses armes auprès de nombreux producteurs jamaïcains. Passé au sein des Techniques après le départ de Pat Kelly en 1968, il enregistra donc pour Duke Reid, mais aussi pour Sonia Pottinger, Coxsone Dodd et Harry J entre autres. Au vu de la bonne distribution dont étaient l'objet la plupart de ces entrepreneurs, autant dire qu'il n'était pas un inconnu des deux côtés de l'Atlantique. Il avait ainsi déjà obtenu un certain succès avec Lock Jaw en 1969, et l'année suivante, sa performance au sein des Upsetters de Lee Perry avec Shocks Of Mighty (forcément repris sur des compiles à l'image du "Tighten Up Vol. 3tighten up volume 3" et du "Sixteen Dynamic Reggae HitsSixteen Dynamic Reggae Hits" de Pama) devait aboutir à la sortie du LP "Prisoner Of LovePrisoner Of Love" -auquel, sans pour autant parler d'album indispensable, je préfère largement ce Double Barrel-.


C'est donc sur cette lancée, et aussi sûrement en souvenir de leur collaboration au sein du Rocksteady band The Techniques, que Winston Riley fait appel à Dave Barker après avoir enregistré deux riddims avec Ansel Collins, riddims qui deviendront fameux : Double Barrel, donc, et Monkey Spanner. Il lui demande donc de poser sa voix sur le premier, qui se pourrait être aussi l'une des premieres sessions d'enregistrement du batteur Sly Dunbar ; dans un premier temps, le défi semble poser problème à Dave Barker. Comme il le dit lui même par la suite dans une interview parue le 15 janvier 1972 dans NME, cet instrumental ne l'inspirait pas du tout, trop proche qu'il était selon lui d'une musique pour Mickey Mouse! Mais qu'à cela ne tienne, avec les encouragements des frères Riley, il finit par sortir un flow d'une seule traîte : "I... am the magnificient... double o-o..."... James Bond n'est jamais très loin! Le single sort à la fin de l'été 1970 en UK sur Techniques, label dédié aux productions de Winston Riley sur Trojan. Après cet enregistrement, le titre disparaît rapidement des esprits, jusqu'à ce qu'il entre timidement dans les Charts UK en mars/avril 1971.


De là s'ensuit une escalade vers les sommets. Quand le single fit son apparition dans le Top 10, les responsables de Trojan appelèrent Winston Riley pour le motiver à promouvoir le titre en question sur les terres de Sa Majesté. A priori, tout le monde resta stoïque devant de telles affirmations, mais puisqu'il le fallait, nos artistes prirent le premier vol pour l'ex-métropole. A peine arrivé en Angleterre, un groupe composé de Dave Barker, Ansel Collins pour l'orgue, Rad Bryan à la guitare, Bobby Davis et Winston Riley pour les harmonies, se produisait à l'émission Top Of The Pops sur les plateaux de la BBC, accompagné par des figurants -playback oblige- d'origine trinidadienne ou autres, affublés de jupes faites d'herbes façon danseuses hawaïennes! Cette apparition boosta un peu plus les ventes, et en mai, Double Barrel était #1 avec plus de 300 000 copies écoulées. Il devait rester au sommet 2 semaines, et Dave Barker de continuer sa tournée anglaise durant quelques mois avec Ansel Collins, Jackie Paris et Trevor Star à la batterie/basse, tandis que Riley rentrait en Jamaïque. Quelques semaines plus tard, Monkey Spanner, toasté par Dave Barker peu de temps après Double Barrel, passa le mois de juin dans le Top 10, grimpant jusqu'à la 7e place, sans jamais égaler son prédécesseur (Fontana, filiale de Philips à l'affut des succès planétaires, en pressa d'ailleurs une versionmonkey spanner fontana, comme il l'avait fait pour Double Barrelmonkey spanner fontana, avec une pochette pour la Francemonkey spanner fontana france entre autres, quand Ariolamonkey spanner ariola espagne faisait de même pour l'Espagne) ; avec 5 disques d'argent, 2 d'or, un #22 dans le Bilboard Hot 100 (US) et plus d'1 million de disques vendus à travers le monde, il était au bout du compte difficile de refaire le coup du double barillet!


Et tout ça pour dire quoi? Juste pour dire que ce fut une énorme aventure commerciale! Pour la peine, en plein milieu de la tournée anglaise, nos artistes se rendirent 3 semaines en Jamaïque, histoire d'enregistrer les quelques morceaux qui, à la demande de Lee Gopthal, devaient remplir l'album à paraître, celui dont il est question ici. Ce ne fut jamais le cas puisque ce dernier fut édité avec du vieux matériel selon les propres dires de Dave Barker, et lancé dans la série TBL de Trojan (albums Trojan vendus pour le prix de deux singles), sous un premier press aux couleurs de Techniquesdouble barrel techinques, un second pressage lui faisant rapidement suite avec le label classique de Trojan. Aux Etats-Unis, le label Big Tree reprit la pochette concoctée par Trojan pour sortir un album du même nom avec une tracklist modifiée et des pin-up remerciéesdave and ansel collins double barrel usa, surfant comme Trojan sur la vague des ventes locales des 45T. Winston Riley (qui refit un gros coup avec le Ansel, pas rancunier le gars, avec le Stalag 17 en 1974) dut lui aussi faire ses choux gras étant donné que le matériel, selon le "copyright" jamaïcain de l'époque, lui appartenait. Dave Barker reçut en tout et pour tout 20£ pour la session d'enregistrement, quelques dizaines de £ hebdomadaires pendant la tournée anglaise pour subsister entre ses trois concerts quasi quotidiens, et dut s'embrouiller avec Riley pour recevoir 1000£ pour entre autres pouvoir remplacer son unique costume de scène... Encore une image flatteuse du musical'business made in JA! Il n'en reste pas moins que Dave Barker semble avoir gardé de très bon souvenirs de ses concerts et du public européens, même pour les plus récents : c'est toujours ça de pris...


On passe donc sous silence le premier titre de cet opus, dont on a assez parlé, qui plus est connu et reconnu, même si on essaie d'imaginer non sans un certain plaisir le feu qu'il a du mettre sur les pistes à l'époque... Wild Bunch n'est quant à lui qu'un instru à créditer à Ansel Collins, comme bon nombre de morceaux présents sur cette galette. Air décontracté, quelque peu nonchalant et dont on voit mal le rapport qu'il pourrait entretenir avec le film homonyme (aka La horde sauvage) de Sam Peckinpah, paru en 1969, et ce même quand l'on connaît l'influence du Western sur la musique jamaïquaine. Elfrego Bacca signe le retour timide de Dave Barker sur l'orgue de son comparse, quand on n'a le droit ici qu'à une version instru du fameux Monkey Spanner. My Best Girl est le morceau que je préfère sur cet album, allez savoir pourquoi avec sa ligne de basse tranquille mais indansable, peut-être un semblant de mélancolie qui sort de l'ensemble. Ce titre est par ailleurs l'occasion de se pencher sur les mauvais crédits présents sur cette galette. Ils ne concernent à priori que les avant dernières pistes de chacune des faces, qui seraient inversées. En effet, I Can Count The Days n'est autre que le My Best Girlmy best girl rad bryan big shot sorti sur Big Shot par Rad Bryan. Quant au My Best Girl de ce LP, qui est donc I Can Count The Days, c'est une reprise de l'excellent morceau de ce même Rad Bryan sorti sur Black Swan, Girl You Rock My Soulgirl you rock my soul rad bryan black swan. Pour le coup, ces deux exemples viennent enfoncer le clou quant à l'urgence dans laquelle est sorti cet album. Ils mettent par la même occasion en doute le réemploi de vieux matériel issu des prods de Winston Riley. Mais pour en avoir le coeur net, il faudrait encore connaître au mieux le parcours du guitariste Dougie "Rad" Bryan qui fait partie des artistes parus sur la compilation "Music House Vol. 1va music house vol 1", consacrée aux prods du trio Shrowder-Bryan-Sinclair plus connu comme le Bush responsable des plus gros hits de Judge Dread. La tentation est grande de faire de Rad Bryan et du producteur Desmond Bryan la même personne, mais les sources n'allant pas dans ce sens, il vaut mieux se limiter à une certaine proximité entre les deux qui laisserait donc à penser que Rad Bryan fut embauché à Londres même pour la tournée de nos Dave & Ansel et qu'il mit à leur disposition ces deux titres -pour le moins- avant de les ressortir sous son propre nom. Une chose reste néanmoins certaine : c'est en UK que Rad Bryan poursuit sa carrière. Pour revenir à notre "Double Barrell", le restant, face A comme face B, n'est qu'une suite de riffs d'orgue survolés -ou pas- par la voix du Dave Barker si l'on fait exception d'un That Girl qui sort du lot sans pour autant être un de ces morceaux inoubliables. Un LP purement commercial donc, qui plus est garni d'une belle pochette, qui même s'il dut faire un carton à sa sortie auprès de toute sorte de public, n'apporte aujourd'hui rien de bien affolant... Si c'est pour avoir le Double Barrel, autant s'offrir le 45T, ou au choix, le "Club ReggaeClub Reggae" ou encore le "Reggae Chartbusters Vol. 3Reggae Chartbusters Vol. 3", les autres morceaux de ce LP n'apparaîssant à priori qu'en nombre très limité sur des compiles contemporaines, et dans leur majorité, même pas en 45 RPM. Après, c'est sûr, y'a pas cette fameuse pochette!



Tracklist: A: Double Barrel (JA : Wind ; UK : Techniques TE 901-A et Trojan TRM 3002) - Wild Bunch - Elfrego Bacca (JA : Techniques ; UK : Big Shot BI 545-A) - Monkey Spanner Version (Trojan TR 7875-B, 1972) - My Best Girl - Secret Weapon (JA : Amalgamated, 1968 ; Techniques, 1971 ; UK : Amalgamated AMG 832-A, 1968) - B: I The Third - That Girl - Impossible Mission - Ten To One - I Can Count The Days - Two For One.




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depuis le 07/02/10 [MAJ 01/2012 à partir des excellentes remarques de RDSC le vengeur masqué : merci à lui!]



Les autres skeuds cités dans cet article :

45 RPM :


33 RPM :