Rockers / Ted Bafaloukos. - Avec Horsemouth Wallace, Robbie Shakespeare, Winston Rodney [Burning Spear], Gregory Isaacs, etc... - 1978, 1H40.

Rockers

rockersSi on aime le Roots Reggae, ou si l'on aime plus simplement la musique JA au long cours, Reggae Roots and Rastafari ou pas, ce film est imprescriptible, unique et impossible à ignorer tant il témoigne du contexte social, économique et culturel de la Jamaïque au milieu des années 70, dans la continuité des années de marasme total qui ont suivi l'acquisition de l'Indépendance en 1962.


Le scénario met en scène Leroy "Hoursemouth" Wallace (batteur de Pierpoljak à ses heures à la fin des 90's), père de famille à la rue: pas de boulot, ou très peu, mais un don certain pour la batterie et la musique ainsi que pour le commerce. Hoursemouth tente donc dans un premier temps de monter sa propre affaire en achetant directement aux producteurs des disques qu'il revend ensuite à l'extérieur de Kingston où il se rend grâce à la Honda S90 qu'il a réussi à se payer. A côté, il joue aussi dans le groupe de Jacob Miller pour un public de touristes. Ces deux activités lui permettent tant bien que mal de survivre, jusqu'au jour où il se fait voler sa moto. C'est en cherchant à la récupérer qu'il découvre un traffic d'objets volés pérpétré par une mafia de l'île agissant sous le couvert de simple homme d'affaire et propriétaire d'hôtel. Révolté, il monte un casse avec tous ses amis, lequel se révèlera être une immense surprise.


Plus qu'une fiction, ce film est un véritable témoignage sur la Jamaïque des 70's... La musique y a un rôle, il est presque inutile de le préciser, prépondérant ; c'est en effet l'un des moteurs du film puisqu'on peut y visiter plusieurs studios et autres producteurs ( Channel One Studio par exemple, ou Joe Gibbs pour les personnages), et le nombre d'artistes, plus ou moins reconnus, qui y font leur apparition, donne une liste assez fournie de stars jamaïcaines de l'époque: Robbie Shakespeare, Big Youth, Burning Spear, Gregory Isaacs, Count Ossie, Tommy Mc Cook, Theophilius Beckford, Jacob Miller, Peter Tosh et j'en passe, tous plus ou moins dans leur propre rôle, lors de concerts et autres soirées, ou plus simplement dans la vie courante... On voit ainsi Burning Spear chanter à capella au bord de l'eau tout en roulant un spliff, Jacob Miller faisant skanker quelques touristes avec son Tenament Yard ou encore Gregory Isaacs lors d'un concert. L'un des moments d'anthologie du film est quand le DJ d'une discothèque plutôt orientée Soul & Funk se fait jeter de sa cabine par l'ami de Horsemouth qui se lance dans un toast d'enfer sur un Rocksteady des Melodians!!!! De la balle!!! Bref, dans tous les cas, il ne manque pas de bons moments dans ce film où, malgré la weed qui y circule, on ne s'endort pas.


En outre, on a l'occasion d'y approcher un peu mieux le fond de la philosophie Rastafari même si il n'y a ici pas de prêche pour le retour vers l'Afrique. En plus de la arrangue chantée (ou parlée) par Count Ossie (ou Ras Michael?) en tout début de film, laquelle appelle et célèbre la réconciliation entre Blancs et Noirs sur un fond musical qui n'est autre que la Satta Massa Gana (!!!), on assiste à la prise de conscience de Horsemouth selon laquelle les profiteurs sont les plus riches tandis que les plus pauvres sont voués à souffrir toujours plus et plus (sufferers). Et c'est en gros, le fil conducteur de ce film, la musique et son environnement n'étant là que pour servir de décors visuel et sonore, de contexte, tout en rappelant au spectateur qu'elle peut-être un fabuleux vecteur de prise de conscience et d'unité. Avec "The harder they come", l'autre film jamaïcain alliant music, esprit rebelle et aventure, bien que sous deux formes complètement différentes mais tout aussi valables et passionnantes!!! A voir et à revoir, la sono à fond svp!


[2005; MAJ 12/2008]