Redemption song = East Of Acre Lane / Alex Wheatle ; roman traduit de l'anglais par Nicolas Richard. - La Laune : Au diable vauvert, 2003. - 352 p., 16€50.

Redemption Song

redemption songOu bien c'est moi qui sais pas choisir mes lectures ou bien c'est Le diable vauvert qu'a un goût douteux en matière de couvertures et de résumés ou extraits de 4e de couv'... Je pencherai pour la deuxième solution. Je mettrai aussi en doute le choix éditorial sur l'adaptation du titre même si finalement, la chanson éponyme peut assez bien se rapporter au récit d'Alex Wheatle. Mais je mets le doute, parce qu'à changer le titre, j'aurais choisi quelque chose qui sonne plus urbain, avec les grosses basses reprises tout le long par l'auteur et les lyrics dévastateurs de l'un des nombreux DJs qui le peuplent ou qui ont parcouru la capitale anglaise. Ça aurait été moins porteur, forcément... Bah, et puis ça n'est plus un problème au fond, l'essentiel est là : c'est un très bon bouquin.


Un bouquin avec ses héros à lui et ceux de l'histoire si ce ne sont ses victimes. Je pense à Blair Peach, dont le nom revient et revient encore : on est en 1981 dans l'Angleterre de Thatcher, et son souvenir reste vivace dans le ghetto de Brixton. Clement Blair Peach, c'est ce ressortissant néo-zélandais sauvagement matraqué par la Metropolitan Police Special Patrol Group durant une manifestation de l'Anti-Nazi League contre l'extrême droite, le 22 avril 1979, avant de succomber à ses blessures le lendemain. Blair Peach était un blanc, et c'est là que peut se situer une grande partie du symbole dans un bouquin qui met en scène des anglais noirs, d'origine jamaïcaine pour la plupart.


Ç'aurait pu être l'histoire d'une victimisation systématique et d'un repli communautaire engendrés par le rejet, celui des autorités et celui d'une partie de la population. Mais ça aurait été trop simple, alors du coup, c'est un bon roman qui à travers le quotidien de Biscuit, dessine un ras-le-bol latent quant à la situation générale : chômage, impunité des forces de police, racisme, trafics en tous genres, un récit sur la survie dans la jungle urbaine où les rares bons moments sont simples et appréciés à leur juste valeur, bien souvent accompagnés de Reggae. Le point de mire, ce sont les Brixton riots d'avril 1981, la fiction se mêlant à l'histoire avec un savoir-faire certain et un rythme à vous jeter dans la rue! Du très bon, vraiment!


Pour les à côté, c'est donc le second roman d'Alex Wheatle, précurseur du Island Songs dont nous avons déjà parlé dans ces pages. Il est pourtant dans la continuité chronologique de ce dernier, avec notre jeune personnage principal qui n'est autre que le fils du couple dont on avait précédemment suivi les aventures. Il n'est pas évident que l'auteur avait pensé à écrire ce retour aux origines en lisant Redemption Song, mais tout se tient et on rajoute donc un pan d'histoire à notre famille jamaïcaine qui pourrait être celle de nombreux west-indians. Enfin et avant d'atteindre des longueurs rédhibitoires, je tiens à faire un clin d'œil au film Babylon de Franco Rosso : il me semble que ses images, sons et contextes fournissent le cadre le plus adapté pour planter le décor dans votre imagination durant cette lecture. Tout sauf un hasard, bien sûr : il était inutile d'aller chercher bien loin.


[05/2012]