Hard revolution / George P. Pelecanos ; roman traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Etienne Menanteau. - Paris : Ed. du seuil, 2006. - (Collection Points ; Policier). - 439 p., 7,80€.

Hard Revolution

hard-revolutionEt bien voilà qui va être fait! J'espérais un jour écrire quelques lignes sur cet auteur à l'occasion d'une lecture qui tomberait dans le cadre proposé par ce site, et c'est avec "Hard Revolution" que je peux m'y coller. Du coup, ça fait un roman de plus dans ces chroniques de livres, non pas que je veuille en faire une habitude, mais quand on a un bon auteur avec l'un de ses meilleurs ouvrages et que le récit en question fait référence à tel ou tel chanteur écouté en boucle, tel ou tel label ou encore des manières bien précises d'aborder la musique des années 1960, je ne me propose pas trop de choix.


Pelecanos, écrivain américain aux lointaines origines grecques, pas besoin d'aller sur Wikipedia pour s'en douter : c'est là, dans le nom, et puis ça suinte dans ses ouvrages. Pour ceux que j'ai lus en tous cas, cette fameuse trilogie qui commence par "King Suckerman" au début des années 1970, se poursuit avec "Suave comme l'éternité" dix ans plus tard avant de se terminer par un "Funky Guns" racontant l'histoire de quarantenaires dans les années 1990, les mêmes que le lecteur avait connus 20 ans auparavant. Washington DC et la côté Est, la communauté grecque, la communauté noire, les autres et les "vrais américains", des références au cinéma et à la musique contemporains de la fiction et donc pas mal de Blaxploitation et de titres Soul & Funk dans le premier opus. Très fort! Mais légèrement déphasé pour pouvoir être chroniqué ici. Et puis, Pelecanos, c'est aussi l'un des principaux scénaristes de la série culte "The Wire" ou encore de la plus récente et tout en musique "Treme", où son écriture déteint sur l'image, les dialogues et l'ambiance au point qu'on en zappe complètement le réalisateur. D'ailleurs, en matière de séries, qui s'en soucie? Ç'aurait pu être valable pour le scénariste, c'est sûr, mais... C'est Pelecanos.


1959, c'est l'année où commence ce roman. Des gamins et des plus âgés qui font les 400 coups dans les rues de Washington avant de rentrer au foyer familial et d'avoir un semblant de vie normale en ces temps de ségrégation et de Rock'n'Roll tonitruant. Un côté "American Graffiti" de George Lucas avec ses belles américaines customisées et des Noirs qui n'existent pas. Puis le lecteur se retrouve propulsé en 1968, avec les mêmes et la donne qui est à deux doigts d'être rejouée. Les Blancs ségrégationnistes et racistes se retrouvent désormais face à des Black Panthers, Black Muslims et autres Martin Luther King. Le Viet-Nam est déjà passé par là pour certains. Et la bande son qu'est allée pêcher Pelecanos chez Guralnick, c'est de la Soul, même chez ces nostalgiques de Rock'n'Roll primaire qui en leur for intérieur se disent bien qu'ils ont beau être noirs, ils font de la vraie bonne musique. Berry Gordy et sa bande ont vu bien juste, quand notre principal protagoniste préfère le son du Sud, celui d'Otis qui s'est écrasé quelque mois auparavant, et de cette multitude de petits labels dont il tente de retenir les noms et même les matricules! Ça boue, y'a des impairs, puis... Ça pète. Quelle autre issue? La fiction se mêle si bien à l'histoire qu'il ne pourrait en être autrement. Pari gagnant?!?


A lire, pour voir...


[05/2012]