Cette ITW commence à dater un peu puisque depuis sa sortie dans Rotten Eggs Smell Terrible, fin 2005/début 2006, pas moins de deux numéros nouvelle formule du Chéribibi sont sortis... Mais l'histoire du zine et de son principal instigateur ne sont pas exemptes d'intérêt et pourront toujours amener ceux qui ne le connaissent pas encore à le découvrir, quand ça ne révèlera pas quelques réponses aux dilemmes que quelques lecteurs plus ou moins anciens auraient entrevus... Voici donc les tirades de l'un des principaux acteurs de la scène Skinhead Reggae (qualificatif ô combien réducteur, mais faut bien commencer par quelque part!) hexagonale, pour le moins au format papier, et avec les appréciables autorisations du questionneur et du questionné: à vous de vous faire une idée...
"Bon, pour moi Cheri-bibi c'est la série que je matais à la téloche en grignotant des choco rêve, j'ai jamais lu la prose de Gaston LEROUX mais je me souviens du générique killer du feuilleton... pourquoi ce nom, pour le bagne, les cheveux courts, les rayures ou?
Très bonne question Jean-Pierre (je peux t'appeler Jean-Pierre ?). Disons qu'en 98, au moment de réactiver le zine, je voulais en changer le précédent blaze qui ne me satisfaisait point (voir la p'tite histoire du zine plus loin). J'aurais voulu l'appeler Fantômas, étant fan des romans de SOUVESTRE et ALLAIN, mais comme tu le sais sans doute, c'était le nom du zine des skins de Jussieu qui, s'il n'existait plus, avait eu sa part de célébrité. Discutant de la chose avec mon dab, celui-ci me fit judicieusement remarquer que pour causer d'émeute urbaine (c'est un exemple) il est plus subtil de s'appeler «Tendresse» que «Kalash»... Et hop, illumination, «Chéri-Bibi» s'est immédiatement imposé dans ma tronche. Au-delà du personnage de Gaston LEROUX, j'aime bien le côté un peu «mystérieux», tendre, voire un peu pédé du blaze. Et puis «Chéri-Bibi » c'est un symbole populo du crâne rasé chez nous, assimilé aux bagnards de Cayenne. Le paternel m'appelait comme ça quand je me suis rasé le crâne. Et puis Chéri-Bibi c'est l'innocent à la sale gueule, le louchebem pris dans l'engrenage d'une «fatalitas» qui n'est qu'un complot d'aristos visant à l'accuser d'un meurtre qu'il n'a pas commis, l'équivalent franchouille de «Cockney kids are innocent» quoi. On n'est pas en England et, sans patriotisme aucun, on est des skins français avec une culture populaire française (ou assimilée), c'est en quelque sorte cette légitimité culturelle «de classe» qui fait de nous autre chose qu'une pâle copie de l'original. Je pense sincèrement que c'est la conscience de classe -dans son aspect culturel plutôt que proprement politique- qui a propagé la mouvance skin de part le monde. Les skins de 67-69 se sont approprié une identité jamaïcaine, elle-même venue des Caraïbes, d'Amérique et d'Afrique, et l'ont greffée à la leur. Les skins français, du moins ceux qui savent d'où ils viennent, ont fait pareil. Ceux qui sont comme ma pomme fans absolus du 1er LP des GARÇONS BOUCHERS, à la croisée de l'apache parigot et du skin de l'East End, devraient voir sans peine ce que je veux dire. Ça s'appelle le métissage et c'est super cool. On est tous des bâtards! Yeah!
Y'a pas très longtemps que j'ai découvert tes activités, tu peux nous causer des differents numéros (bientôt 15!) les sommaires, les formats, les points forts?
Disons que la numérotation des zines est un peu artificielle. Sans remonter jusqu'au 1er zine que j'ai bricolé quand j'avais 9 ans (avec tout d'même une itw de mon pote Manu, actuel chanteur du groupe Reggae Baobab, comme quoi, les voies du destin sont impénétrables contrairement à d'autres), on a fondé le zine au lycée avec deux potes (un anar, un coco et un feuj apolitique, tout pour plaire.) sous le titre de Cadavre Exquis . Les influences n'étaient pas musicales, c'était plutôt Dada et délires potaches. J'avais quand même eu le déclic grâce au zine que faisait un pote psycho du lycée, Ran-Tam-Plan, consacré à la scène R'n'R de l'époque, WAMPAS période Marc POLICE (RIP), WITCHES VALLEY, Tom BUZZ, etc. Il fait à présent le zine Peace Warrior consacré à la zique expérimentale. Bref, on a fait un n°0, puis 1, 2 et 3 entre 91 et 93, passant du format A5 au A4, de 50 à 200 exemplaires et de 3 à 2 rédacteurs, pis mézigo tout seul vu que je me tapais déjà tout le taf. T'y trouvais pas mal de trucs sur le ciné bis, la littérature populaire, l'illustration de SF des années 20-40, des conseils de sabotage en entreprise (testés par mézigue lors de mes tafs d'été), de la BD, un pochoir à découper, un roman-photo même, mais peu de musique. À ma décharge, public, faut dire que j'avais certes des goûts éclectiques, mais pas une thune. Du moins le peu d'éconocroc allait dans les concerts (WAMPAS, CRAMPS, LSD, TOY DOLLS, STRAY CATS, LKJ, HAPPY-DRIVERS et tous les concerts pas trop chers dans les squats, les bistrôts, à l' Espace Ornano ou au Farenheit , merci à eux). Donc à part les quelques skeuds offerts à Noël, ceux chourrés dans des boutiques aujourd'hui disparues et les incontournables K7 enregistrées chez les potes (de CRASS aux MILKSHAKES en passant par BLACK FLAG), pas vraiment moyen d'acquérir la culture musicale un tant soit peu exhaustive nécessaire à écrire sur la zique. En 94, à l'époque du SHARP Paris-Banlieue , j'ai sorti un n°4 sous le blaze de Wachbeuk (cherchez pas ça veut rien dire) pis j'ai arrêté. Ce n'est qu'en 97 que, m'incrustant dans l'aventure Unity Rockers, j'ai retrouvé le plaisir de faire un zine, axé musique et luttes sociales. Hélas, ou heureusement pour la suite, on m'a lourdé après le n°6 et à peine sortis du bar où avait eu lieu la compression de personnel, nous décidâmes, avec mon pote Fanfan qui fait les illustr', de remonter le zine, rebaptisé donc Chéribibi, le numérotant au n°7 1/2 pour faire chier UR (très bon zine qui a marqué son temps au demeurant). Mais je ne désespère pas de faire un n° spécial «Chéribibi de 5 à 7» pour boucher le trou (hum). Donc après ce n°7 1/2, «Chéribibi ou la joie de vivre» (avec une itw de Roddy MORENO, repiquée dans le mythique zine allemand Skin-Up , et une autre des potes de CIVIL AGRESSION) sorti un 1er avril 98, y'a eu le n°8, «Pas de bisous pour Chéribibi», avec les itws des RAGEOUS GRATOONS et de José JOURDAIN, un des premier activiste du Reggae en France (itw qui s'est poursuivie jusqu'au n°12), sorti le 1er mai 98, puis le n°9, «Chéribibi - Usage externe», à l'été 98 avec 8°6 CREW et SKATCATS et c'est là qu'ont commencé les pliages de ouf, on s'est beaucoup amusé avec Fanfan à en inventer à chaque fois de nouveaux, les plus tordus possible, et beaucoup moins marrés à plier chaque exemplaire à la main. C'est là aussi que j'ai arrêté d'interviewer des groupes «actuels», en gros des groupes dont l'actualité change énormément entre l'itw et sa parution, vu que SKATCATS avait splitté avant même la sortie du zine! À la rentrée 98 y'a eu le 10, un de mes préférés: «Du rififi pour Chéribibi» avec ma 1ère itw de «big guys», en l'occurrence LKJ que j'avais rencontré par l'intermédiaire de Dennis BOVELL (également interviouzé inside) qui a bossé longtemps avec l'ami José précité. Là je m'suis aperçu qu'il était tout à fait possible d'aborder tous ces types admirés qu'on a tendance, inconsciemment du moins, à considérer comme «intouchables». Le 24 décembre 98, à minuit, est sorti le n°11, «Chéribibi caliss' d'hostie!», sans itws excepté celui à épisode de José, mais avec un long CR de mon 1er trip au Québec. Puis début 99 le n°12, «Chéribibi 1999», avec une itw de Lynval GOLDING des SPECIALS et -date oblige- un historique du way of life Skinhead que je reprendrais quelques années après pour un dossier dans le magazine L'Affiche (dont toute l'équipe rédactionnelle se fera lourder par l'éditeur après la sortie du N°. il paraît que j'y suis pour rien). Après j'me suis tapé un second trip, d'un an cette fois, au Québec et j'en suis revenu avec les itws de Marcia GRIFFITHS, Ken BOOTHE, Marco de KLASSE KRIMINALE et le dessinateur barge Henriette VALIUM. Mais ce n'est qu'en 2001 qu'est sorti le n°13, «Chéribibi n'est pas gentil», format 33T avec les itws précitées en sus de celles à Dennis AL CAPONE, Derrick MORGAN, Alton ELLIS, Jean-Bernard POUY, la journaliste Hélène LEE, Gaz MAYALL des TROJANS, LONE RANGER, la créatrice du spectacle de marionnettes «Ginette Guirolle», l'accordéoniste Marc PERRONE, Lloyd BREVETT et Cedric BROOKS des SKATALITES pis un joli pochoir fait main. L'a hélas fallu attendre 2004 pour que sorte le n°14, «Chéribibi court toujours», avec Max ROMEO, notre regretté Laurel AITKEN, Charlie HARPER de UK SUBS, les BERUS, la suite de l'itw d'Héléne LEE, le JIM MURPLE MEMORIAL (une itw de l'inoubliable contrebassiste Fabrice, encore un pote envolé. chienne de mort!), BANDA BASSOTTI, Toots HIBBERT, le cinéaste inventeur du gore Mr H-G LEWIS, et plein d'aut' trucs. Pis là j'met la patte au nouveau N° qui sera peut-être sorti à l'heure où vous lirez ces lignes. ça va comme historique?
Le côté arty, dans le pliage, la tournure, le badge ... Ca vient d'où?
De chez moi. En fait, j'ai toujours été passionné par la mise en page et l'éclectisme éditorial, des contructivistes russes à Métal Hurlant en passant par Dada , les photomontages antifascistes de John HEARTFIELD ou le magazine Rock & BD des années 80 «Zoulou». Et je trouvais pas trop mon bonheur dans la prod' zinesque d'alors, même s'il y en avait, il y en a et il y en aura toujours qui forcent l'admiration à divers degrés. Il y avait des zines très drôles, tel Roger ou Les Glorgs Attaquent La Plage , mais sans une once de politique, une maquette bâclée et aucune info culturelle. Y'avait des graphzines super bien faits, tels Stronx ou Hopital Brut , mais sans politique ni infos culturelles; des zines politiques aux points de vue intéressants mais chiants à lire, sans 2nd degré et maquettés comme les ouvres de DIDEROT à La Pleiade ; des zines de zik ou de cinoche hyper-documentés mais sans. bref, t'as pigé. Donc de ce que je connaissais, à part quelques exceptions notables (le seul et unique n° de Rude Boy , l'excellentissime Titi Flambi ou Fiesta pour l'éclectisme musicale), je trouvais pas chez les différents dealers l'équivalent de zines anglais comme Ungawa ou Arnie (zine anarchopunk dont le seul équivalent français serait Kanaï ). De là l'envie de me faire ma propre bouffe, assaisonnée à mes goûts. Et force est de constater que mes goûts (et ceux de mes illustres collaborateurs) sont partagés par beaucoup puisque le zine rencontre un franc succès, y compris à ma grande surprise chez des gus n'ayant rien à voir avec l' underground punk-Ska. Et des fois c'est cocasse : une copine en a trouvée un exemplaire dans la salle d'attente de sa gynécologue ! Sinon, pour répondre à ta question précise, le badge du n°14 c'est un dessin de l'ami québecois VALIUM dont les délires graphiques sont trouvab' au Regard Moderne à Paname ou au Dernier Cri à Marseille.
En tout cas j'ai salué le pochoir de ton 13 avec "hmmmmmm time to get my gun" c'est quoi, c'est qui et le scotch d'emballage tu le choppes où ton putain de scotch ?
Le pochoir c'est le détournement d'un badge trouvé à Montréal, lui-même détournement d'une image 40's US. Le détourneur détourné quoi. Le moins drôle c'est que j'ai bombé les 300 ex. dans ma piaule. Mais au point où en sont mes poumons et la couche d'ozone hein. Quant au scotch imprimé que j'utilise pour emballer mes envois, «Résistance-Existence» et «Culture - Ohé partisans!», on l'utilise énormément en manifs (de chômistes surtout, mais aussi d'intermittents et autres travailleurs précaires, infirmières, etc). Il est fabriqué -comme les autocollants «Money world» et autres «United colors of pognon» qui parsèment généralement mes envois- par une asso locale à laquelle je participe plus ou moins régulièrement depuis le début des 90's et dont le credo est: «Qu'aux signes de la misère ne s'ajoute pas la misère des signes». Mais tout ceci est top-secret (je dis ça pour pas avoir à m'lancer dans une thèse sur la représentativité des mouvements de contestation de ces 15 dernières années vus à travers l'imagerie utilisée). En gros, contrairement à une démarche comme celle des «casseurs de pub» genre Adbuster , on ne veut pas tomber dans le piège de critiquer le commerce à l'aide des signes du commerce. Comme dirais l'autre: «On ne combat pas l'aliénation avec des moyens aliénés».
Et c'est quoi cette histoire de concours avec la photo de RODTSCHENKO avec MAÏAKOVSKI... C'est pas trop culture populaire ça, du moins c'est celle d'il y a 80 piges! T'as l'air assez à l'aise dans les productions et destins de ces artistes?
En fait dans l'n°12 y'avait un concours, «le vrai con cours» : il s'agissait de trouver qui était le rasé sur une tof excellente de MAÏAKOVSKI où, franchement, on dirais trop un Skinhead en star-co. Pour tout avouer, ça m'bidonnait de jouer sur les apparences puisque pas mal de gens ont cru qu'il s'agissait effectivement d'un skin. C'était pas pour faire une blague d'intello snobinard genre «Ouah tu connais pas Maïakovski pauv' naze?», mais encore une fois, pour établir des liens, pas forcément évidents, entre des choses que j'aime et des époques différentes et, je l'espère, aiguiser la curiosité de mes contemporains. Parce que la 1ère fois que j'ai vu une tof de MAÏAKOVSKI, je me suis dit «Putain c'est qui ce mec? Il a la classe!» et c'est uniquement suite à ça que j'ai plongé dans son ouvre. Quant à dire que c'est pas de la culture populaire, je sais pas ce qu'il te faut! Effectivement, on peut penser que c'est à présent dans les rangs de la middle-class qu'on disserte du poète, mais ça c'est parce qu'on se fait piquer sans rien faire notre héritage culturel. Et ce côté «culture de classe» est édulcoré, jusque dans l'enseignement universitaire. Je sais de quoi que j'cause pour m'être fait virer d'une école d'art parce que «il ne faut pas fustiger le bourgeois, c'est grâce à lui que l'artiste vit» dixit un prof, ancien soixante-huitard passé à l'ennemi. On se fait déposséder de notre patrimoine populaire universel et en échange on nous fait bouffer de la merde préfabriquée. Regarde ces cons de Charlie Hebdo et leur mépris de classe : pour eux le populo c'est TF1 , Intervilles , Star Academy . Alors ils fustigent le couillon du peuple avec le bob Ricard . Mais il faudrait rappeler à ces peigne-culs que c'est pas des prolos qui ont conçus la Star Ac' et qui dirigent la grille des programmes de TF1 que je sache! Se réapproprier les cultures populaires, qu'elles soient «étrangères» ou du patelin d'à côté, c'est pas faire du folklore, c'est retrouver une identité de classe noyée dans la dépolitisation de masse. C'est affirmer à la face des bourgeois «proprios de la culture» qu'on n'est pas des clébards qui se laissent refiler du Canigou par nos bons maîtres, on préfère se nourrir de nos propres productions, et elles sont plus nombreuses qu'on pourrait croire. Alors oui, MAÏAKOVSKI est, comme PREVERT, un poète populaire plus subversif qu'on voudrait nous le dire à l'école. La culture populaire est une culture par et pour le peuple, et quand je dis «le peuple», j'cause de l'immense majorité des humains entretenus dans la misère (culturelle, économique, etc) par une minorité qui pratique la lutte de classe au détriment de la nôtre. Bon, je vois qu'il y en a qui dorment déjà dans le fond. Question suivante.
Par contre, MAIAKOVSKI s'est fait remballer tout comme MALEVITCH... Ils étaient quand même au départ de l'action... Moi, là dedans y'a un truc qui m'échappe.
Les constructivistes russes n'étaient pas «une élite», c'était pas le haut du panier (de crabes), ils ont fait la révolution en 17 et ont cherché à la propager dans la durée et dans leurs domaines respectifs avec de la sincérité plein les tripes, l'envie de créer de nouveaux rapports sociaux. On va pas épiloguer quant à la faillite de la révolution russe sous les manouvres récupératrices des nouveaux bureaucrates en place (aidés indirectement par l'attitude du reste du monde vis-à-vis de l'URSS), ceux que DEBORD appelait «les nouveaux propriétaires du prolétariat», mais il ne fait aucun doute que MAÏAKOVSKI ne s'en est pas remis, jusqu'à son suicide en 1930.
Et en 2005 c'est quoi la place de la littérature et des autres moyens d'expression dans la culture POPULAIRE?
Encore une très bonne question Jean-Pierre! Mais loin d'y répondre avec le ton sentencieux d'un juge d'application des peines proclamant qui et quoi est populaire et qui et quoi n'est que mirage visant à détruire la créativité ainsi que tout sens critique des victimes de la société spectaculaire marchande, je préfère compléter ce qui a été dit plus haut en vous invitant à constater avec moi que la culture populaire est trop souvent confondue avec deux choses qu'elle n'est pas. Elle n'est pas de "l'animation sociale" à destination des familles et quartiers dit "défavorisés" et généralement institutionnellement commandité dans le but d'apaiser tensions et rancoeurs envers la société telle qu'elle est. Elle est encore moins de la culture "de masse" produite à la chaîne par l'industrie médiatique moderne afin de proposer des modèles de vie prédéterminés, une vision aseptisée de la musique, du cinéma, du théâtre, de la littérature, une vision préfabriqué du réel à travers de faux "sujets d'intérêt général", une méfiance absolue envers tout hors champ et toute marge, et enfin une formidable machine de guerre idéologique envers les cultures authentiquement populaires (« qui appartient au peuple, qui concerne le peuple, issue du peuple » d'après le Larousse) qui, dès qu'une recette peut en être dégagée, sont pillées à des fins de récupération purement mercantiles. Non, qu'elle vienne d'Afrique ou d'Asie, de la Jamaïque ou de la banlieue de Paris, la culture populaire est trop jubilatoire pour être fabriquée en laboratoire. Par les mots et par l'image, la volonté du Chéribibi (partagée par tous ceux qui y participent) est de rendre hommage à cette créativité qui ne s'est pas façonné dans les officines publicitaires mais dans les rues d'ici ou d'ailleurs, dans les champs de coton plutôt que dans les salons, dans les faubourgs de Kingston en 1964 ou à Marseille le mois dernier. C'est à la fois le tribut que nous entendons payer à nos aînés -des pionniers de la valse-musette à ceux du rythm'n'blues- autant que la visibilité que nous souhaitons apporter à tous ceux et toutes celles qui, aujourd'hui, font vivre la culture populaire malgré la pression écrasante des chantres de la malléabilité des cervelles. Mais n'est-ce pas ce pourquoi les fanzines sont fait? REST en est d'ailleurs un bon exemple avec sa volonté d'interviouzer des besogneux dans mon genre. Soutenez ceux qui vous soutiennent, comme ça on se soutiendra tous et c'est de cette façon uniquement que deux unijambistes réussissent à ne pas se viander la tronche et deux manchots à faire un flipper.
C'est toi qui a torché la pochette des JANITORS aussi, ça c'est passé comment cette histoire?
Bah dès que j'ai su que c'était un groupe super ambigu j'ai tout de suite eu envie de bosser pour eux vu que, c'est bien connu, je suis moi-même un ambigu d'extrème-gauche. Ce que j'ignorais par contre, c'est que leur ambiguïté est surtout sexuelle et depuis ils me harcèlent, je n'en peux plus, ils sont pires que Joss de HARD-TIMES, l'anarchosyndicaliste tripoteur (et ambigu naturellement). En fait, le graphisme du 6 titres des LUTECE BORGIA ayant plu à Ben UVPR , il m'a proposé de torcher les pochettes des prods de son nouveau label UVPR Vinyles (SWINGO PORKIES, MOONLIGHT WANKERS, THE JANITORS et récemment le split JANITORS/LUTECE BORGIA) sous la menace de me faire écouter en boucle l'intégrale de BRUTAL COMBAT à chaque fois que je viendrais chez lui draguer sa femme. Y'a des arguments imparables.
Ouais, on t'a vu au côté de Ben UVPR pour des interviews, tu peux nous causer de votre rencontre?
Mais je le connais pas ce type! Quoique si tu m'paie une bière je dis tout ce que je sais sur lui. C'est OK?
Bon alors les 1ères fois qu'on s'est rencontré, on a failli se mettre sur la gueule.Sous de faux prétextes (a)politiques mais en fait pour une histoire de gonzesse évidemment. Puis on s'est revu à l'occaz d'une manif et moi, quand je vois un «skin apolitique» dans une manif, je le trouve déjà plus sympathique. On est devenu franc camarades (de beuverie) à Florence lors du 1er Forum «Social » Européen et depuis on ne se quitte plus, qu'est-ce que tu veux, c'est l'amour! Ceci-dit, demande-lui sa version qu'on rigole.
Au départ de l'action, et dans votre approche de la zique vous avez pas forcément la même façon d'appréhender le truc?
Ce qui, je pense, nous réuni, c'est déjà qu'à l'instar de tous les skins de Belleville on est des tondus détendus (ça fatigue de croiser les bras en matant les aut' de haut, style douanier ricain), qu'on partage une approche de la politique anti-autoritaire, une conscience de classe sans prosélytisme politicien quelconque et qu'on sait se saper nom de dieu! Si tu veux un chapitre «psychologie de comptoir», disons qu'on est pas rentré dans l'trip skin par la même porte (moi par le Ska , lui par la Oi !), qu'on est très différents mais que, a mi parecer, on se complète assez bien. Je crois que nos itws en commun et nos zines respectifs en sont la preuve.
Je me souviens d'ailleurs de l'interview de Roy LAST RESORT assez "pimentée" tu peux nous en dire plus... il devait y en avoir une tranche dans Cheribibi en complèment d' UVPR et ça a capoté?
Non. Contrairement à l'itw des BERUS, il n'y a pas de version «unplugged» de celle de LAST RESORT. Donc si je publie l'itw de Roy PIERCE, elle sera semblable à celle sortie dans UVPR . En fait, je pense réserver mes itws déjà publiés ailleurs (telle celles D'OI POLLOI dans Barricata ou de Rico RODRIGUEZ et ALPHA BLONDY dans Reggae Mag ) à ce fameux «Chéribibi de 5 à 7» évoqué plus haut. Pour ce qui est des circonstances de l'itw, LAST RESORT devait jouer au Nouveau Casino à Paname, concert organisé par les aminches des Troubadours du Chaos (le couple le plus glamour de la scène), mais ça a été annulé suite à des coups de fil malintentionnés (qui a dit jaloux?) à la salle avertissant que le concert risquait d'être «chaud». Les LAST RESORT, ayant déjà leurs biftons, décidèrent de se payer tout d'même un trip à Pâris. On les a donc interviouzés au Petit Garage , bar R'n'R sympatoche et, si tu veux mon avis (apparemment c'est le cas), Roy est totalement à la masse. Mais pour ma part, ses réponses ne m'ont pas surprises, je savais que j'interviouzait pas Mensi ou Roddy. Le seul truc qui m'a «choqué» c'est qu'il dise n'avoir jamais vraiment écouté de Reggae . Après, son patriotisme. C'est un rosbif , je savais à quoi m'attendre. Mais quand t'interviouze un type, c'est pas pour faire le béni-oui-oui à tout ce qu'il dit, ce qui explique certains aspects de ladite interview. C'est d'ailleurs pour ça que dans le Chéribibi je dis «une causerie» plutôt qu'une «interview» même si effectivement ç'en est une. J'préfère le dialogue au discours (et pourtant qu'est-ce que je cause.). Ça va comme réponse?
Et avec le père MORENO, cet été (2005, ndlr)
c'était comment, il t'a raconté des trucs qui déboîtent, t'as des anecdotes, des confidences?
Oui, il m'a dit que le SHARP c'était qu'un moyen de se faire du fric, qu'il a fumé ses 1ers joins avec Ian STUART sous un platane. Non je déconne (aïe! Pitié Roddy!). Écoutes, tu liras tout ça en 2006. avec la 1ere itw jamais faite de son frère Dom (V. dans le Numéro 13, ndlr). D'ailleurs à ce propos, j'ai maintes fois remarqué qu'on ne prêtait pas assez d'attention aux «seconds couteaux» pour se focaliser sur les «leaders». Or THE OPPRESSED, pour rester sur cet exemple, ce n'est pas Roddy & His Boys , même si c'est sûr qu'il en est la locomotive. Mais comme à St Brieuc, les wagons méritent notre attention. D'ailleurs un site existe avec des tofs de ce festoche d'anthologie : http://www.blogg.org/blog-24971-themes-45188.html (photos que vous pouvez retrouver ici, ndlr)
Tu penses quoi des reformations parce que visiblement quand tu causes avec Derrick MORGAN ou Ken BOOTHE... C'est du non-stop ils n'ont jamais arrêté, comme Tai Luc...?
Oui, mais il faut mettre un bémol : si des types arrêtent c'est souvent lié à des raisons familiales, personnelles ou d'épuisement comme les SPECIALS qui ont tourné sans discontinuer pendant pas mal d'années. On va reprocher à ces groupes de se retrouver, comme on l'a reproché récemment aux BERUS? Les pitres qui disent que le Punk est mort en 77 parce qu'ils y étaient et veulent garder une sorte d'exclusivité qui justifie leurs renoncements sont comme les soixante-huitards devenus donneurs de leçons à la tête d'un grand quotidien (on pense sûrement aux mêmes). Mais pourquoi ceux qui nous ont fait triper lorsqu'ils avaient 20 piges auraient pas le droit de refaire des années après ce qu'ils savent le mieux faire? Même s'ils le font moins bien, ce qui n'est pas une généralité... Des mecs comme Ken BOOTHE ont eu d'énormes passages à vide durant lesquels ils n'ont rien branlé musicalement parlant (sexuellement parlant, je leur fait confiance). Et alors? Les SKATALITES se sont reformés en 86, qui s'en plaindrait ? Les BERUS cassent leur mythe? Tant mieux! Comme je l'écrivais dans le Chéri 14 , les mythes ça fait des trous et dans les trous on met les morts. Les BERUS sont pas morts et nous non-plus d'ailleurs, on va pas chialer. J'ai vu THE OPPRESSED en 96 à Londres, c'était alors leur «avant-dernier concert». Je les ai revus à Berlin et à Salles-Curan cette année, et personne n'avait l'air de s'en plaindre! Ce genre de groupe est toujours. Honnête. Sûrement plus en tout cas que les WHO qui chantaient «Plutôt mourir que d'être vieux» et qui se sont laissé vieillir dans un confort bourgeois (à part ce pauvre Keith MOON). Laurel AITKEN (RIP) nous a prouvé qu'on peut toujours être jeune passé 70 piges, merci à lui! Personnellement, j'espère mourir jeune, mais centenaire.
T'as réussi a chopper des interviews "en live" des titans (je dis pas héros ou stars, c'est mon côté Punk !) des scènes Ska et Oi! Punk internationales... tu dois avoir les poils de dessus les bras qui se dressent des fois et aussi de grosses déceptions peut être aussi? Comment t'arrives à feinter les balaises du s.o... T'as des invits?
Ah, ah! T'aimerais le savoir hein? I'm the king of incrust', the Fantômas of interviouzes! Vantardises mises à part, j'aurais une tonne d'anecdotes à ce sujet, et j'ai été souvent le premier surpris du résultat de mes différents bluffs. Il faut avouer qu'avec le temps, j'ai noué quelques contacts avec des tourneurs, ce qui me facilite à présent la tâche. Évidemment, y'a eu des échecs cuisants (pour approcher Joe STRUMMER notamment) mais en général il s'agit d'être assez smart dans le dressing code et l'air sûr de soi décontract'du mec homologué pour rentrer n'importe où (je me suis d'ailleurs incrusté récemment dans une soirée VIP au Maxim's en suivant ces sacro-saints principes). Pis repérer le bon interlocuteur: un videur qui croit que tu fais partie de la boîte parce que t'étais sur place avant lui ou un amerloque qui croit avoir affaire à un journaliste célèbre (j'ai d'ailleurs parfois usurpé diverses identités de «collègues». Comment ça je ressemble pas à Bruno BLUM?). Si DE NIRO se fait interdire l'entrée d'une boîte parce qu'il est incognito en survêt', un pauv'cave doit pouvoir y rentrer avec un costard et l'air de connaître l'intimité de MICHOU. De toute façon, comme m'a sorti mon pote Banane -le gratteux des SOUL IN'- la première fois que j'l'ai rencontré (dans les loges de l' Olympia ): «Putain les Skinheads ça s'incruste partout!» Pour ce qui est de l'émotion, évidemment. Quand j'ai rencontré LKJ, je faisais pas le fier. Pareil pour Derrick MORGAN en Allemagne. Heureusement qu'il pouvait pas me voir (étant aveugle), je mouillait ma culotte! Idem quand avec Huggy «les bons tuyaux», vétéran de la scène Ska hexagonale, on est allé chercher Laurel AITKEN à l' Eurostar , ou la journée à visiter Paname avec Derrick HARRIOTt en essayant de lui expliquer l'histoire de la Commune au pied du Sacré-Coeur, ou encore quand PRINCE BUSTER m'a dit, à l'issue d'une itw à plusieurs en Catalogne, qu'il avait trouvé mes questions intéressantes et que j'étais le seul à l'avoir regardé dans les yeux tout du long. Y'a pas à dire, dans des moments pareils, je jouis! Et crois-le ou non, ça n'a rien à voir avec du gonflage de chevilles, c'est une pure joie de môme! Rencontrer des artistes qui t'ont fait triper des années durant, qui représentent autant de choses pour toi et, en l'occurrence, pour l'ensemble des amateurs de weggae music , rend heureux n'importe quel skin, qu'il soit zicos, zineux ou «simple public»! D'ailleurs, s'il m'arrive de faire dédicacer un disque pour mézigue ou un pote, je m'prend quasiment jamais en tof avec le bonhomme que je viens de passer à la question (j'ai même pas posé avec Laurel ou Buster, c'est dire), lui causer et lui serrer la pogne en le regardant dans les yeux constitue une émotion trop pure pour avoir envie de frimer avec. Il y aurait un côté sous-verres au mur d'un gastos où on voit le proprio se la jouer ami d'enfance avec Johnny, Zidane et toutes les célébrités ayant traversé son rade pour aller pisser. Enfin c'est mon sentiment. En tout cas, ramener une réponse à quelques interrogations en suspens sur la carrière de tels «darons» est le plus beau souvenir que je puisse partager avec le lecteur passionné. Les zines c'est comme les groupes Punks , y'a pas de différence entre ceux qui les font et ceux qui les lisent. Si je suis jouasse de la rencontre, je sais que ceux qui vont la lire, fusse deux ans après, vont bicher aussi. Et le plus beau compliment qu'un lecteur ait fait sur mes interviews c'est de dire qu'il croyait entendre la radio en lisant! Bon y'a des fois je merde grave, genre j'ai fait l'itw de Marcia GRIFFITHS complètement bourré, elle hallucinait! Pareil avec Dave BARKER et Dennis AL CAPONE, heureusement que je les avait rencontrés plusieurs fois auparavant. D'ailleurs c'est fou comment les jamaïcains savent se montrer patients avec les abrutis de mon espèce qui baragouinent anglais pire que Fred SKARFACE. Et puis y'a les trucs rigolos, comme l'interview de Max ROMEO dans les chiottes de La Scène à Vernouillet, avec le SO qui me tournait autour, persuadé que j'étais un sale facho qui voulait casser du bronzé! Je me suis d'ailleurs un peu «accroché» avec l'un d'eux en fin d'soirée, sur scène! ça, les embrouilles avec les SO, une de mes autre grande spécialité. Enfin, ils sont un peu là pour ça aussi. En ce qui concerne mes déceptions, il y en a plusieurs: Neville STAPLES des SPECIALS qui ne m'a causé que de sa ligne de fringues, John HOLT qui voulait préserver sa voix avant son concert, Fermin MUGURUZA trop épuisé après le show de NEGU GORRIAK à Bayonne (il nous a quand même filé 10 places pour le concert du lendemain à San Christobal et on a sabré le champ' backstage, respect!), POISON IVY et LUX INTERIOR refusant très poliment une interview au pied de la Butte Montmartre ou, moins sympa, Nina HAGEN qui n'en avait rien à foutre et Desmond DEKKER m'envoyant sur les roses avec un air hautain alors que j'avais dû la jouer à la Arsène Lupin pour rentrer backstage. M'en fous, je les aurais!
C'est qui que t'aimerais, aurais aimé choper?
Tu parles toujours des interviews là? Non parce que me choper Ernest-Antoine Seillières au surin dans une sombre ruelle me ferait assez triper.
Pour ce qui est des interlocuteurs de rêve, outre ceux cités plus haut avec qui mes tentatives ont échoués, j'dirais sans hésitation Jello BIAFRA. Et Mickael FRANTI des DISPOSIBLE HEROES OF HIP-HOPRISY. Refaire PRINCE BUSTER avec plus de temps aussi. il me l'a promis! Mais également, dans des domaines pas si différents, interviouzer un cinéaste tel Jim JARMUSH, ou Angela DAVIS que j'ai rencontré en m'incrustant à une réception officielle à la Mairie de Paris pour lui filer une compile de soutien à Mumia ABU JAMAL («Justice pour Mumia») qu'on a fait en 2000 avec une asso de potes dont Manu d'BAOBAB. Mais j'ai pas pu faire l'itw parce qu'il y avait trop de monde à ses basques (on a tout d'même causé quelques mémorables minutes autour du CD), dommage, cette femme est tellement extraordinaire! Et Mumia tiens! Avec la compile on a récolté plus de 80 000 balles, et c'est des pontes du comité national de soutien, les mêmes qui crachaient à la gueule de not' petite asso banlieusarde, qui sont allés le voir en taule (faut dire y'en a un j'avais manqué lui faire avaler une chaise lors d'une réunion), comme quoi la bureaucratie dans le milieu militant. En fait j'ai plein de projets plus ou moins sérios, tel l'écrivain Stewart HOME, seul le temps me manque. Pour les cadavres exquis, ceux pour qui il est trop tard à moins d'une séance de spiritisme (of 69), je regrette de n'avoir pu interviouzer JUDGE DREAD et Clancy ECCLES (lui j'l'ai jamais vu en live), ou PUPPA LESLIE qui est mort dans des circonstances plus que douteuses (les flics ont affirmé qu'il a sauté par la fenêtre quand ils ont fait irruption dan son appart'.). Mais par-dessus tout SCREAMIN' JAY HAWKINS! Ah misère! Je l'ai rencontré dans les backstages de l' Olympia en 98 où on s'était incrusté avec Tonton Albert en portant les grattes des KINGSNAKES (qui faisaient la 1ère partie) d'un air de faire partie du groupe, Margerin style. J'étais venu les mains dans les fouilles (sans dictaphone mais en costard), Jay est passé devant moi, stature imposante d'ex-boxeur, et je faisais encore moins le malin que devant les gros méchants en bomber de la fin des années 80. Ce type était un monstre du R&B , du R'n'R , un des Grands Anciens qui ferait passer Nyarlathotep pour une petite frappe! Et dire qu'il habitait à Levallois-Perret. Cette interview non-réalisée, je la regretterais toute ma vie.
Tu vas nous pondre la deuxième partie de la rencontre avec les Bérus... Et là c'est quoi la petite histoire, ton point de vue sur les punks d'hier, d'aujourd'hui, ceux qui se promènent avec leur clébard dans les squats du 19ième et ceux qui votent pour Chevènement?
Bof, peut-être que voter pour ce con de Chevènement est une des dernière chose qui soit Punk en ce bas monde. En ce qui me concerne, je vote systématiquement, mais je glisse parfois des bulletins pour Mr Semba, marabout à Créteil, ou un de ses acolytes. Ça a le même format qu'un bulletin de vote et eux au moins, ils font revenir ta femme en 24h. Après, pour ce que tu sous-entends, je pense que François BERU s'est assez bien expliqué sur le forum consacré à son groupe. Quant à la rencontre avec lui et Loran pour l'itw, y'a rien d'extraordinaire à raconter, on a bu de la bière, du pinard, du thé, grillé quelques pétards et tchatchés jusqu'à 4h du mat' chez Ben UVPR . À la limite j'oubliais qu'il s'agissait du groupe phare de mes 12-15 ans, c'était juste une discussion aussi intéressante que marrante avec des mecs super naturels qui se friment pas la tête, limite timides. Je les avais déjà croisés séparément il y a plus ou moins longtemps, habitant l'même bled que François ou ayant tchatché toute une nuit du MC5 et des activistes amerloques des 60's avec Loran en bédavant des tonjs açmaco sans l'avoir reconnu (si, si j'te jure!). On s'est d'ailleurs revu depuis à l'occaz, toujours le plus simplement du monde. Je pense que la plupart des anciens fans ayant critiqué vertement leur reformation (ou leur «déformation» comme y disent) ou traqué le moindre de leurs propos dans une confiance absolue en Libé sont inconsciemment frustrés de ne s'apercevoir qu'aujourd'hui que c'étaient finalement pas des super-héros venus d'Krypton sauver les keupons, juste des types comme eux. Mais des types à la redresse.
En ce qui concerne mon point de vue sur le Punk , ce que j'en ai retenu c'est l'anticonformisme total. Perso, je suis skin, donc être sapé comme l'ensemble de mes concitoyens rasés ne me gène pas, c'est le trip «Wanderers», on a tous le même look, on est une bande «uniformisée», c'est clair. Mais que la majorité des punks s'habillent selon un dress-code , je trouve ça un peu bizarre. Disons que ça manque cruellement d'originalité alors que justement, l'inventivité vestimentaire était de mise en 76-77 (et pas que dans la boutique de Vivienne WESTWOOD). Si tu veux savoir, des groupes comme EXPLOITED et GBH m'ont toujours fait chier de ce point de vue là, c'est devenu juste un nouveau conformisme, «just another fashion» comme me l'disait Charlie HARPER. Pour mézigue, être punk c'est dire que le punk est mort aux 'tits jeunes qui achètent des trucs tout-fait au Goéland et qu'il n'est pas mort aux vieux blasés qui écrivent dans Rock & Folk . Quant aux «crusties», ils ressemblent trop aux hippies pour que je me sente des affinités avec. Et leurs clebs sont souvent moins cons qu'eux. On ne m'ôtera pas de l'idée que ce sont majoritairement les petits bourges qui s'habillent crades (des hippies aux teknoïdes de merde en passant par les grunges ) et les filles et fils de la classe ouvrière qui cherchent à dépasser leur condition au travers de la fringue (des teddy boys aux skins en passant pas les Mods et les «sapeurs» africains). Après, constatant que pas mal de skins sont d'anciens punks , et que pas mal d'anciens skins deviennent rockers , j'me dis qu'ayant commencé dans un trip rocker , je finirais punk
Vrai qu'il y a une vingtaine d'années le Skinhead avait une sale image (je me suis fait braquer mon bombers même! et le voleur, enfin les deux ouais à l'époque pour pas être ridicule j'avais dis qu'ils étaient 8... Il était franchement bestial!), et pourtant c'est à ce moment là qu'on s'est faufilé là dedans, juste après le passage des BERUS sur NRJ d'ailleurs avec ce qui nous paraissait comme la fin de beaucoup de choses... Aujourd'hui l'image de la tête rasée, tête première dans le tas a vachement évoluée et peut être aussi perdu de son authenticité qui faisait sa force (putain la question! attention je ne cause pas QUE de politique!!!)?
Vous pouvez répéter la question?
Tu te promènes entre Punk , Oi! , Ska , Soul mais c'est quoi vraiment ta zique de prédilection dans tout ça? Je viens de relire ta chronique du Studio One Soul avec les références aux originaux repris alors là je suis calmé!
T'as mis le doigt dessus (oh ouiiiii), c'est en effet la connection R&B/Ska et Soul/Rocksteady qui aiguise ma curiosité. Je cherche aux States les versions originales de la zique jamaïcaine comme avant je cherchais en Jamaïque les versions originales des morcifs des SPECIALS (c'est une image, je suis jamais allé en Jamaïque). Combien de fois ai-je pécho un 45T sur une broc' ou un bootleg de R&B au Born Bad uniquement parce que le titre me disait quelque-chose. T'as des déceptions et des découvertes, c'est entre le pifomètre et le travail d'historien en un sens. Et c'est vrai qu'à l'instar des aminches qui écrivent également des chroniques dans le zine, j'essaye d'être documenté (que ce soit en recoupant les infos de bouquins, sleeve note ou à présent internet) parce que la précision du travail de fond c'est aussi ce qui apporte la crédibilité d'un zine. C'est toute une cuisine de faire un zine cru. Ma 1ère musique de prédilection fut le R&B/R'n'R 50's, découvert autant par les BD de MARGERIN, de TRAMBER et JANO (Kebra), par les FORBANS (qui viennent de mon bled) que par le film The Blues Brothers qu'mon dab (encore lui, merci papa) m'a emmené voir à sa sortie (j'devais avoir dans les 7 piges). Le Rythmn'N'Blues graveleux et rockailleux (j'suis plus Atlantic/Stax que Motown ) constitue à mes oreilles le fil conducteur des ziks que j'aime, américaines, jamaïcaines ou anglaises. Si j'ai décroché assez jeune de Johnny HALLYDAY («Mon p'tit loup ça va faire mal ce soir!». tu parles), c'est pour mieux m'déhancher sur Chuck BERRY ou Wanda JACKSON. Et à mon panthéon figurent autant SCREAMIN' JAY que PRINCE BUSTER. Le fait qu'une même chanson, de l'original aux différentes versions, fasse se retrouver autant de monde autour d'un sens commun (universel?) est fascinant. Le R&B se voulait moins fataliste que le Blues et danser, se défouler sur des thèmes aussi fondamentalement sociaux et passionnés que l'amour et la rupture de tout frein moral est en soi une démarche éminemment révolutionnaire. Chuck BERRY chantait «No Particular Place To Go» (la version des TOY DOLLS est sympa d'ailleurs) parce qu'il savait pas où aller baiser tranquille avec sa fiancée, et quand tu sais que les minots baisent dans les escaliers de la cité parce qu'ils ne peuvent aller ni chez l'un ni chez l'autre et encore moins à l'hôtel, tu te dis que Chuck BERRY est toujours foncièrement actuel. C'est aussi pour cette raison que les BERUS ou LA SOURIS peuvent toujours chanter aujourd'hui leurs «tubes» des 80's : rien n'a encore changé. Enfin, je te raconte tout ça mais la zique qui tourne le plus sur ma platine c'est le Reggae ( Ska , Rocksteady, Skinhead Reggae, Rude Reggae, Early Reggae, Rub A Dub,.).
La question "pivot" de Rotten Eggs c'est l'histoire perso ; Comment ça a commencé pour toi, la zique au départ, les premiers trucs qui t'ont fait frémir, jusqu'au situationnisme Skinhead parisien?
Tu veux un roman, c'est ça hein? Bon, déjà, il n'y a pas de «situationnisme», il n'y a que des situationnistes. Les ismes ne servent qu'à transformer le mouvement des idées en doctrines. Et les situationnistes c'est pas des touristes.
Pour l'histoire perso, je vais essayer de résumer trois décennies de vie terrestre en quelques lignes sans trop essayer de m'la raconter (difficile diront les mauvaises langues): né à Paris l'année de l'élection d'Giscard, j'ai vécu et vis toujours en banlieue rouge, la même tant qu'à faire. Cancre congénital, j'ai surnagé d'exclusions scolaires en exclusions universitaires jusqu'à une maîtrise d'art plastique portant sur «Les pratiques magiques du dessin» (des sorciers éthiopiens aux muralistes mexicains). Niveau professionnel, j'ai enchaîné les boulots temporaires, d'employé de bureau à pigiste, en passant par le BTP, le jardinage municipal, la vente (nul) et différents métiers liés à l'édition et à la presse. J'ai même fait «surveillant de voie ferrée» dans un dépôt de RER, un de ces boulots totalement inutiles qui font se lever tôt des prolos qu'auraient mieux à faire de leur vie. Pour ce qui est des «mouvances» traversées, ça a commencé comme p'tit loulou d'banlieue (certains appellent ça des racailles) oscillant entre R'n'R , Hip-Hop (RUN DMC powa!) et variét' pour draguer les gonzesses, sans grand succès d'ailleurs. 1ère claque à 11 piges en assistant à un concert de Nina HAGEN en vacances suisses alors que ma daronne m'avait initialement amenée voir INDOCHINE. L'année suivante, découverte des BERUS par un «redskin» en teddy (2nd claque).
1989, lycée «de rattrapage» à Paname et découverte du Punk-Rock anglais et amerloque, du Psycho, des redskins tendance houpette et de l'embrouille à teneur politique (ça, à l'instar de certaines légendes urbaines, j'en ai fait courir des fafs. derrière moi).
1992, je me rase le fly-top pour le bachot et le boulot d'été, j'achète le 1er SPECIALS «parce que sur la pochette on dirait les Blues Brothers et le soir même je prend ma 3ème claque en découvrant un nouveau son («c'est quoi ce truc? C'est pas un Reggae, ça va plus vite, c'est plus saccadé» dixit les GARÇONS BOUCHERS).
1993, avec des jeunes plus ou moins de mon âge, on fonde le SHARP Paris-Banlieue . Résultat: deux ans d'embrouilles diverses avec tout ce qui bouge (du SCALP aux JNR ) et une initiation approfondie aux merveilles de la zique jamaïcaine.
1995, à fond dans la mouvance «totonome», je me marre!
1999, après mon sévice national, je m'casse un an au Québec, et je me marre encore!
2002, écriture, une nuit bourré at home, du manifeste dispensable du Skinhead situationniste , je me marre toujours!
2005, après quelques années d'accalmie, les embrouilles les plus improbables font ressembler Pantruche à une vaste arène où tout un chacun veut savoir qui a la plus grosse bite, et tu veux l'savoir? Je me marre.
D'ailleurs (comme je t'en avais déjà causé) le situationnisme pour moi était en antagonisme total avec ce que represente le mot Skinhead , tu peux nous causer de ta façon de voir les choses, de Technikart (!!!?) et peut être ton attachement ou détachement à MC LAREN et à la naissance du british Punk Rock?
Pour ce qui est des situs, et de la collusion que j'y trouve avec le trip skin , je te renverrais au manifeste déjà mentionné (largement trouvab' sur le net). Mais je veux bien être condamné à boire de la Tourtel en transfusion si la dérive situ n'a rien à voir avec nos foulages de pavé en Docs cirées dans les rues d'ici ou d'ailleurs! Pour ce qui est de «l'article» dans Technikart , outre que l' Internationale Skinhead Situationniste emmerde bien profond ces petits récupérateurs mondains (smash the bobos!), ça prouve juste a contrario que nous sommes partout! Quant à MAC LAREN. la formule 1 m'a toujours fait chier. Lisez Human Punk de John KING si vous voulez savoir ce qu'est le Punk english.
Dans les signatures, j'ai vu que t'avais des potes qui te faisaient quelques chroniques... Tu peux les saluer et nous en causer (Vince?)?
D'accord: salut les potes!
En fait, même si je me tape la majeure partie du boulot, il y a toujours eu des contributions diverses et variées au Chéribibi et je suis en train de tout faire pour qu'il y en ai d'avantage, quitte à perdre le statut ronflant de «rédacteur en chef» auquel j'préfère celui de «rédacteurs sans chef». Et s'il est vrai que je tire mon surnom du zine, celui-ci n'est pas pour autant dévolu à rester ma propriété exclusive, même si je me verrais assez mal en être évincé comme Olivier CACHIN s'est fait évincé de L'Affiche dont il était le fondateur et principal artisan durant 14 ans. La tâche fixée de défendre la culture populaire est de toute manière trop étendue et trop importante pour qu'on veuille tirer une quelconque couverture à soi à l'exemple de certains qui osent s'affirmer seuls tenants légitimes de la lutte antifasciste ou anticapitaliste. Les querelles de chapelles et gueguerres d'ego n'ont rien à foutre dans le combat pour un monde humain donc meilleur.
En ce qui concerne les contributions à venir, je tiens particulièrement à saluer Fred du zine Earquake qui, sans me connaître personnellement, a accepté spontanément de participer activement aux futurs numéros visant à créer à terme un véritable magazine de cultures populaires. Venant d'un gars qui a réussi à sortir avec une rigueur épatante plus de 80 n° de son zine depuis tant d'années sans céder sur la qualité, cela m'a vraiment touché.
Quant à Vinxouille la fripouille, on s'est connu un peu comme avec Ben, à risquer de se foutre sur la tronche pour une histoire de meuf (la même d'ailleurs. t'y crois à ça? Faut dire qu'elle en vaut la peine, et quelle peine). Non, Vince, un mec formid' de Bordeaux (c'est bien son seul défaut), tenancier de l'émission culte Spy Market sur La Clé des Ondes . Un monument, que dis-je, une péninsule de la culture populaire qui est la nôtre. On se ressemble pas mais on s'assemble parfaitement. Le genre de parti (communiste ?) à te faire regretter tes orientations sexuelles.
Difficile aussi de causer de Vince sans évoquer Don Blades, «The blade», la plus fine lame de la Côte Ouest, qui officia également dans le Spy Market Crew à l'époque où Bordeaux était le seul refuge des amateurs de vibrations jamaïcaines (ne l'est-elle pas toujours?). Lui aussi a toujours répondu présent, même quand je l'appelle à des heures indues, et il constitue grâce à son esprit clair et structuré le Léonard Nimoy de notre petite «entreprise», pas vrai Dr Mc Coy ? Pis tant d'autres (Tôma du zine Kontagion , Hao et ses pochoirs,.) mais surtout Fanfan évidemment, dessinateur prolixe à l'humour indestructible, indispensable critique du travail en cours sans qui le coche aurait souvent été loupé entre le résultat voulu et le résultat final. C'est bien simple, je serais incapable de boucler un zine sans récolter son précieux avis tant sur la forme que sur le fond. Et ça en grande partie parce que c'est lui qui me dit de le (la?) boucler au lieu de continuer trois mois à compter les poils de cul dans l'interlignage d'un texte (je suis un peu maniaque).
Au niveau des groupes aussi, il y avait de sacrés bons trucs (TOLTSHOCK, TECKELS, VOICE OF BELLEVILLE) et là ça semble assez décousu?
Pas plus que d'habitude dirais-je. Déplorer la durée de vie limitée de certains groupes parisiens (j'cause pas des groupes fantômes et fantôches qui se contentent d'un RAC au Kastelein ou qui veulent faire croire être une cohorte alors qu'ils ne sont que deux, dont un payé à l'heure) c'est oublier que, plus que la durée, c'est l'intensité qu'un groupe dégage qui importe. Les SEX PISTOLS en sont l'exemple le plus frappant bien qu'ils ne soient pas parisiens. À Pantruche il y a à mes yeux deux balises fondamentales: l'asso des Barrocks qui dure depuis 20 ans (big respect !) et la scène bellevilloise qui compte ou a compté dans ses rangs des groupes formid' tels JIM MURPLE MEMORIAL, THE WANGS, BELLEVILLE CATS, SOUL INVADERS, VOB, MOONLIGHT WANKERS, LUTECE BORGIA, SURVET SKINS, MASSEY FERGUSSON MEMORIAL et tant d'autres (dès à présent de nouveaux groupes surgissent!) dont evidently le 8°6 CREW. Il y a bien sûr plein d'autres groupes à Paname, mais ces deux «scènes constituent des valeurs sûres qui, d'une identité populaire liée à un quartier, à un comptoir de troquet, ont su faire reconnaître ailleurs cette part d'universel dont nous causions tout à l'heure. Ceci étant dit, et l'exemple est hélas frappant, je suis très colère à l'égard du 8°6 CREW qui n'ont jamais paru pleinement réaliser leur énorme potentiel et leur originalité extraordinaire au point de prendre les décisions qui s'imposaient (et s'imposent toujours) pour continuer une brillante carrière. Je dis ça avec tout l'amour que j'ai pour ce groupe unique dans lequel se comptent certains de mes amis les plus chers. C'est dommage, voilà. C'est Paname, voilà.
J'ai vu que t'avais Junior MURVIN dans ton prochain # (Numéro 15, ndlr)
, ça c'est passé où et comment... Moi je trouve que la pochette de l'album est dans le fond très moche mais c'est un tel souvenir que je la trouve belle en fait... Et toi? Elle te rappelle quoi cette pochette, c'est quoi tes pochettes préférées?
Putain ça va être l'almanach Vermoi ! ton zine mon cher Jean-Pierre! Alors mes pochettes préférées je passe, trop long (allez, la Tighten Up Vol.2 ça te va?). Pour ce qui est du morcif de Junior MURVIN (et de la pochette), il me rappelle surtout les (toujours trop) nombreuses embrouilles avec les gardiens de la paix social, agissant main dans la main avec les voleurs bien nantis. Cette chanson, j'y songe à chaque interpellation, et elles continuent hélas d'être trop fréquentes à mon goût (qui n'aime les vaches que dans son assiette). Sinon, j'ai fait l'itw de Junior MURVIN à l'hôtel la veille de son concert en banlieue, en juin dernier je crois, et je voulais la doubler avec celle de Bob ANDY mais le sieur était trop fatigué pour que ça baigne dans l'huile.
Tiens ce matin je lisais un truc sur le mec de SONIC YOUTH, Thurston MOORE, il a fait un bouquin en demandant à ses potes quelle était leur compile K7 audio préférée, soniquement et sentimentalement... Pas mal comme plan. C'est quoi la tienne de compile qu'un pote t'aurait fait et pourquoi tu l'aimes tant?
Sûrement pas une avec SONIC YOUTH déjà. mais pour celles qui viennent illico à l'esprit: Ki-Ox l'ex-gratteux de NUCLEAR DEVICE m'en avait envoyé une très sympa du Québec y'a une paie avec entre-autres BANDA BASSOTTI, FABULOSOS CADILLAC et les 1ers trucs de RANCID. Sinon l'inénarrable Franck de Mantes-la-Jolie m'en a offert une fort éclectique, mais en CD: «Skin Academy» avec AL WILSON, AGNOSTIC FRONT, FAT BOYS, NOCTURNAL, OI POLLOI, LONE RANGER et j'en passe. J'avais déjà pratiquement tout mais l'objet et la sélection sont au poil! Moins récemment, je me rappelle avec émotion des compiles K7 du SHARP Paris-Banlieue , d'une belle K7 de Rude Reggae aux paroles extra-explicites offerte par une chair et tendre, ou encore bien avant ça, de ce punk de Montpellier qui m'avait offert une K7 regroupant les compiles APOCALYPSE CHAOS et CHAOS EN FRANCE en croyant dur comme fer qu'il s'agissait d'inédits des BERUS.
Et dans ta discothèque c'est quoi les perles? Les singles reproduits dans Cheribibi c'est dans ta collec?
La plupart oui. Mais je me sers aussi dans celle de potes assez confiants pour me confier leurs so precious galettes afin de les scanner (merci Philou). Et disons que dans ma discothèque, les perles sont assez nombreuses en effet. Reste à savoir ce qui pour toi tient de cette catégorie (les goûts et les couleurs hein). Je suis tout de même franchement jouasse de posséder l'intégrale de LLOYDIE & THE LOWBITES et le «Rudy's dead» de LITTLE GRANTS & EDDIE sur President , disque que je souhaite voir passer à mon enterrement -le plus tard possible évidemment- même si je me doute que j'aurais alors du mal à l'entendre (j'espère que ça te gène pas Jean-Pierre, au point où nous en sommes des confessions intimes, que j'utilise ton zine pour y exprimer mes volontés post-mortem?).
Et ton top ten du moment... ?
Là tu exagère Jean-Pierre, tout le monde te le dira, un top ten est absolument impossible à tenir. Pour ce qui est de maintenant, je suis surtout attentif à des groupes comme SOUL INVADERS, AGGROLITES, MOON HOP, VIKING'S REMEDY, ASPO, THE JANITORS et les prometteurs BOMBARDIERS de Bordeaux. Mais toute époque confondue j'dirais à l'improviste:
-PRINCE BUSTER : «Wash Wash» (wash your trouble away)
-SCREAMIN' JAY HAWKINS : « I Put A Spell On You » (version alcoolique)
-BOBY LAPOINTE : «Ta Katie t'as quittée » (t'es cocu qu'attends-tu?)
-BERURIER NOIR : « Petit agité » (la zone est en flamme)
-DEAD KENNEDYS : « Kill The Poor » (and burn the rich)
-KORTATU : « Zu atrapatu arte » (mes Clash à moi)
-Eddie COCHRAN : « C'Mon Everybody » (et mon Elvis)
-THE MEMBERS : « Solitary Confinement » (voir plus bas.)
-CAMERA SILENS : « Classe criminelle » (idéal pour un bal de vauriens)
-Clancy ECCLES : « Don't Brag, Don't Boast » (I know my music's sweet)
-LKJ : « Street 66 » (la poésie réaliste à son paroxysme)
-8°6 CREW : « Un rôle à jouer » (c'est notre identité !)
-THE SPECIALS : « Do The Dog » (.not the donkey)
Comment ça y'en a 13? Boah. j'ai toujours été nul en calcul. Pis ça porte bonheur le 13.
Je me souviens dans une de tes chroniques tu avais repéré mon goût pour les MEMBERS... Tu peux nous dire pourquoi t'aimes ce groupe?
Parce que c'est un putain de bon groupe! Le chaînon manquant entre les SPECIALs et le CLASH. Faire une chanson en se mettant dans la peau d'une caisse de schmits comme dans «Police Car» est une idée géniale, à 100 lieues des sempiternelles chansons anti-flics sans imagination. Dans un bois londonien, sans lumières, j'ai croisé une nuit les phares d'une tire de poulets rosbifs tapie dans l'ombre tel un fauve guettant sa proie et c'était exactement ça! Et regarde, les NEWTON NEUROTICS ont repris «Solitary confinement» (ainsi que THE OPPRESSED sous le titre «Living with unemployement»), c'est dire! Pis les groupes méconnus comme ça ne peuvent qu'exacerber mon intérêt. Sans compter la participation de Rico RODRIGUEZ au 2nd album. À l'instar de tant d'autres, je me sens vivre dans leur son, leurs paroles : ils causent de ce que je suis, de ce que je vis, «this is the sound of the suburb» mec!
En british old school j'ai vu que t'alignais les ANGELIC UPSTARTS, là aussi c'était quoi le plan, si j'avais su je t'aurais dit de demander à Mensi la traduction exacte de Solidarity , j'ai du mal à tout comprendre ce superbe morceau! je me rappelle c'était avec Christine à Toulouse en 85 j'avais failli me faire bouffer par le clebard de la boulangère rue St Rome! Tu vas peut être m'aider enfin pour le morceau Solidarity parce que Christine elle est restée à Valence sur Baïse!, C'est quoi toi ton morceau fétiche des UPSTARTS?
J'ai causé avec Mensi au Rude Boy Unity Fest de Genève en 2002 (d'où je rapportais également les itws de OI POLLOI et D'ATTILA THE STOCKBROCKER) et ses réponses sont hélas assez télégraphiques. On verra ce que ça donne sur le papelard. Et loin des «hits», ma chanson préférée des UPSTARTS est «Woman in disguise» sur Tatcher car c'est pas une femme cette salope, c'est un putain de robot! Pire que Edith Cresson! Sinon j'adore leur version du «We've gotta get out of this place» des ANIMALS. Quant à «Solidarity», c'est une chanson sur Solidarnosc , mais ça tu le savais déjà je pense. Je ne connais pas hélas la boulangère de la rue St Rome bien que deux de mes grands-parents aient exercé cette si noble profession visant à se crever la santé dans la farine afin de gratifier tout un chacun de son pain quotidien (dire que certains se crèvent la santé dans une autre sorte de poudre blanche afin de se donner le courage de distribuer les pains, si c'est pas malheureux).
Quand je feuillette (déplie et replie serait plus juste quand il s'agit de Cheribibi !) tes chroniques il y a vachement de bouquins qui ont un rapport étroit avec la zique... t'aimes aussi les romans à l'eau de rose?
Plutôt ceux à l'eau de vie comme les polars d'André HELENA, de San Antonio ou de Chester HIMES ayant bercés mon adolescence (mais est-elle seulement terminée?). Je lis beaucoup moins de SF qu'avant (j'adore Norman SPINRAD), pas trop de bouquins strictement politiques contrairement à ce qu'on pourrait peut-être croire (à l'exception des écrits situs d'hier et -plus rares- d'aujourd'hui), quelques BD qui sortent du lot de l'épouvantable production hexagonale ou américaine actuelle et divers romans de gare dans lesquels se trouvent pas mal de petites perles (je recherche d'ailleurs toujours les romans érotiques écrits sous pseudo par Raoul VANEIGHEM aux éditions de la Brigandine , avis aux connaisseurs). Après, c'est vrai que je dévore tout ce qui cause de Reggae , de R&B , de Rock'N'Roll , de cinéma bis et de culture populaire en général. J'suis donc par conséquent un fan absolu des éditions Allia . Ah si, je collectionne les anciennes éditions de Fantômas et Chéri-Bibi evidently, et y'a de sacrées pièces!
Pour revenir au zine, on va tacher à l'avenir à ce que la place prise par la littérature (ou les littératures) populaire y soit plus importante, notamment via des itws, des nouvelles mais aussi pourquoi pas un bon serial à l'ancienne donc à suivre. Dans le prochain, le camarade Etienne, psycho géographe à la plume prolixte, nous causera d'ailleurs d'Eugène SUE, auteur des Mystères de Paris (et il y en a!), s'il arrive à finir les 125 niveaux de son dernier jeu vidéo.
On avait dit qu'on causerai cinoche... Tu nous a foutu la frousse avec Herschell GORDON LEWIS, mais c'est quoi tes autres auteurs ou bidouilleurs de prédilection?
Pour ce qui est de ce qu'on appelle «cinéma bis» (appellation tellement plus parlante que «série B ou Z»), ce qui m'intéresse là encore c'est la marge, la curiosité. Même un nanard pourrave peut contenir un plan ou une idée de génie qui récompense son visionnage! Bon, en ce qui concerne le ciné en général, je kiffe Russ MEYEr, Jacques TATI, les MARX BROTHERS, KUROSAWA, JARMUSH, TOD BROWNING, CHAPLIN, Sergio LEONE, Michel AUDIARD, mais j'aime découvrir un tas d'inconnus et des films comme «Six String Samurai» ou «Accion Mutante» font mon bonheur. Les films de TROMA ou la série des Godzilla contiennent des petits chefs d'ouvre et le cinoche italien des 60's en regorge, ainsi que le polar français des années 50-70 et la «Blaxploitation» des 70's. Je regrette de pas connaître assez le cinoche de Bollywood , le cinéma d'horreur africain et le western philippin mais quel plaisir d'exhumer de nouveaux films de kung-fu parmi l'hallucinante production hong-kongaise! Au point de vue d'mes classiques, on y trouvera autant «The Blues Brothers»; «A clockwork orange» que je connais absolument plan par plan (l'ayant vu plus de 20 fois au cinoche) et qui reste le film le plus parfaitement réalisé à mes yeux; le «King-Kong» de 1933 (j'appréhende le prochain remake); «Freaks»; «Faster pussycat kill! Kill!»; «La dialectique peut-elle casser des briques?» (film de kung-fu détourné par les situs); «Les 7 samouraïs»; «Opération dragon»; «Il était une fois dans l'Ouest»; «The Harder They Come»; «Drunken Master» (1 & 2); «The Warriors»,. y'en a trop.
Et les westerns t'aimes ou tu laisses ça à Eddy MITCHELL (ou à Virginie... elle se lasse pas de The River Of No Return avec la Marylin en mijorée)?
Je te préviens Jean-Pierre, tu dis pas de mal d'Eddy MITCHELL! Outre ses incontestables talents de chanteur et d'acteur, il a bercé ma tendre enfance avec «La dernière séance» (ah, Tex AVERY et «L'étrange créature du lac noir» en relief!). Pour ce qui est du western , je préfère quand même la vision italienne de l'Ouest à celle des cow-boys hollywoodiens sortant de chez le teinturier (exception faite du «Magnificent Seven» avec Yul BRYNNER, Charles BRONSON et Steve MC QUEEN, puis plus tard des films de Clint EASTWOOD: «Pale rider», etc). Outre les maîtres indéboulonnables comme Sergio LEONE, dont je ne me lasserais jamais de revoir les chefs d'ouvre, et Sergio CORBUCCI dont le «Django» d'anthologie avec Franco NERO a inspiré notre cher LEE «SCRATCH» PERRY, il y a toute la tendance du film «Zapata» à haute teneur politique et subversive qu'il faut absolument découvrir. Citons «Vamos a matar companeros» de CORBUCCI avec Franco NERO, Tomas MILAN et Jack PALANCE, ainsi que «El Chuncho» de Damiano DAMIANI avec Klaus KINSKI, Gian Maria VOLONTE (un de mes acteurs préféré) et Martine BESWICK (qui fut Miss Jamaïque!) pour ne citer que les plus marquants. Ils sortent en DVD alors profitez-en!
Moi j'aime bien le cinéma anglais, les Virtuoses ou Ken LOACH surtout celui où les mecs ils choppent un mouton pour se faire du blé mais mes potes intellos (de gauche?) ils me disent qu'il y a des trucs qui cloche chez Ken LOACH alors je regarde le Full Monty !?
Désolé, j'suis pas spécialiste de Ken LOACH et «Land & freedom» n'a guère (d'Espagne) retenu mon attention (Poum poum tralala). Au Québec, bénéficiant d'un magnétoscope, je me suis maté tout un tas de films anglais dont j'ai pas retenu tous les titres, tel «Arnaques, crimes et botaniques», mais bon, je t'avouerais franchement qu'à part ce style de polars de loosers assez fendards, aller voir des films «sociaux» et trop «réalistes» me fait chier. Pas que je les trouve mauvais, mais ça me rappelle la vie réelle et, contrairement à pas mal d'esthètes qui s'extasient dans les Cahiers du Cinéma sur le portrait de la misère dépeint par le dernier LARS VON TRIER, moi le lumpen je le fréquente trop at home pour avoir envie de dépenser 8 euros afin de chialer sur la tragédie humaine en bouffant ma glace. Donc vu qu'après avoir passé la journée à occuper une Assedic avec les camarades chômistes, aller le soir au cinoche suivre pendant deux plombes les pérégrinations d'ouvriers licenciés me déprime profondément, je me rabat sur des conneries qui vident la tête ou les rares bons films «de genre» qui sortent autrement que direct-to-video. Disons que j'ai cette culture du ciné vu comme une parenthèse émerveillante qui, même si le discours politique -quel qu'il soit d'ailleurs- n'en est jamais totalement absent (voir «Il était une fois la révolution»), te fais oublier le reste du monde dès que la lumière s'éteint. C'est peut-être parce que quand j'étais môme, mon dab (encore lui?) m'emmenait tous les dimanches vers Pigalle voir Steve REEVES démonter des squelettes ou Terence HILL foutre des baffes à un cow-boy patibulaire dans les cinés à 20 balles les deux séances et 2 ronds le paquet de bonbons à la crème. J'suis pas en train de mépriser le cinéma «militant», bien au contraire, il est souvent essentiel, mais je me précipiterais toujours plus vite sur le dernier Jackie CHAN que sur la ressortie de «Punishment Park». D'ailleurs je viens de voir «New Police Story» de Bennie CHAN avec Jackie CHAN (qui le produit et assure les fantastiques cascades) et c'est un putain de bon polar, loin des merdes américaines auxquelles le Jackie nous avait habitué ces dernières années. Un vrai divertissement populaire impeccablement torché (Jackie nous avait pas offert de telles cascades depuis «Who am I» en 98, et à son âge c'est plus que d'l'exploit!) sans aucun mépris du public ni morale manichéiste, du travail d'artisan consciencieux qui tient en haleine du début à la fin et fait, luxe suprême, passer du rire au drame tout du long (ceux qui croient que Jackie CHAN c'est pour les mioches risquent d'être surpris). Si j'exècre la prod' mainstream américaine (mais tuez Tom CRUISE!) qui défile sur nos écrans, des films chinois comme celui-là je veux bien en voir tous les jours!
Hop là on arrive presque au bout et on doit citer l'Internationale Skinhead Situationniste (voir par ailleurs, ndlr),
cellule combattante Yul BRYNNER In Sta Prest... mais encore!?
On arrive presque au bout. On voit k'c'est pas toi qui écrit entre les questions! Va falloir que t'agraphes ton zine au marteau. La création de l' ISS c'est toute une histoire. C'est en quelque sorte une réaction d'une part au fait que de plus en plus de bobos se branlent en survolant les textes situs sans piger à quel point ça n'a rien à voir avec leur snobisme de petits «altercapitalistes», et d'autre part au fait qu'on ne puisse plus se dire Skinhead sans devoir rajouter un adjectif derrière. Alors depuis, quand on me pose la sempiternelle question «T'es skin quoi?», je peux répondre avec le sourire «Skinhead situationniste». Le temps mort interrogatif qui s'ensuit est assez jouissif, parfois on entendrait presque les neurones qui se cherchent. Plus sérieusement (mais peut-on l'être?), j'ai écrit le manifeste fin saoul par une nuit où y'avait deux lunes dans le ciel (c'est dire si j'étais bourré) et j'y ai mis aussi bien ce que je pensais que quelques bons mots à l'absurdité évidente. Le tout écrit selon un phrasé emprunté aux écrits situs dont la lecture peut s'avérer, il est vrai, une délicieuse torture mentale. En gros ça a l'air compliqué mais en fait c'est simple. Depuis, le manifeste a été traduit en catalan et en anglais et diffusé de par le monde (jusqu'en Iran), notamment grâce à l' ISS Barcelona et l' ISS Boston . Sans aucune espèce de carte de membre, ni patch ou badge à vendre (ni rien à vendre d'ailleurs), l' ISS concerne tous ceux qui s'y reconnaissent, que ça fait marrer et/ou réfléchir. Elle n'a pas de leaders donc pas de suiveurs et philosophiquement parlant, se veut autant influencée par l' Internationale Situationniste que par L'INFANTERIE SAUVAGE. Se répandant pire que la grippe du poulet dans un commissariat, elle est à la mouvance Skinhead mondiale ce que la Franc-Maçonnerie est à la vie politique française ou le sucre au lait chaud: partout et nulle part à la fois, et plus tu la cherche moins tu la trouve.
Bon, c'est quoi tes projets pour 2006, j'ai lu 3 nouveaux Cheribibi en un an, c'est quoi cette histoire?
Ah, ah! Je connais tes sources! Mais je n'dirais rien! Ou alors juste un peu. Disons qu'à 30 balais passés, j'en ai marre de reléguer ma passion pour le fanzinat dans les marges de ma vie professionnelle (t'as vu les délais de parution?). Et vu que dans le même temps le Chéribibi a un sérieux probloc pour fournir la demande réelle qui dépasse largement son tirage (300 ex.), me décidai-je à sauter le pas et à m'engager sur la voie ô combien périlleuse d'une professionnalisation progressive du zine. Ce qui s'est traduit par un certain nombre de coups de fil et à la formation d'une petite équipe qui, j'ose l'espérer, tiendra la route. On vient de monter une asso éditrice consacrée à la «promotion» des cultures populaires, et donc après le n°15 il n'y aura pas de n°16 mais une nouvelle série plus régulière et imprimée cette fois, ce qui implique hélas l'abandon des pliages tarés (et les plieurs de dire ouf.). Pour ce qui est du contenu, pas de réel changement Jean-Pierre, vu le tas d'itws en attente de publication comme celles du DJ DON LETTS, de Derrick HARRIOTT, de l'écrivain et ami Steve GOODMAN, de Mickey DREAD, Dave BARKER, Glen ADAMS, Susan CADOGAN, etc. De plus, une plus grande constance de parution permettra de refaire des itws de types à l'actualité plus mouvante et également de couvrir des domaines plus larges comme le théâtre, le cinéma, les arts plastiques et la littérature. En outre, davantage de contributions rédactionnelles ça veut dire un éclectisme encore plus vaste, car à titre d'exemple, même si ce ne sont pas des trucs qui me font personnellement kiffer, les musiques d'Amérique Latine ou le cinéma africain ont tout à fait leur place dans Chéribibi . Et si j'aime le Hip-Hop et l' Afro-Beat , le théâtre de rue ou le Pulp américain, je m'y connais pas assez pour m'y coller. Là je vois un ou deux rasés inquiets qui se demandent si ça va rester pour autant un skinzine . Mais le Chéribibi est un skinzine uniquement parce qu'il est fait par un (des) skin(s) et qu'il parle principalement de ce qui plaît à ses auteurs. Rassurez-vous, je vais pas arrêter de parler de Oi! et de Reggae si le zine dépasse son lectorat initial de Skinheads!Au contraire, peut-être qu'il deviendra -s'il ne l'est pas déjà- un espace de dialogue et de rencontre (36 15 Bibi) visant à briser les communautarismes pour faire ressurgir les liens fondamentaux de sens reliant les différentes cultures et moyens d'expression populaires. Voilà, j'en dis pas plus, sauf que ce sera pas diffusé par les NMPP mais dans les réseaux parallèles et qu'il faudra donc vitalement que les lecteurs suivent si on veut avoir une chance d'affronter durablement la presse de marché.
Tu fais quoi en dehors des activités liées à la zique?
Je drague à la terrasse des cafés, je dérive dans Paname et ailleurs, je dors trop, j'dessine pas assez, j'répète et chante au sein des ROCKERS FUCKERS ( Psychoi! approximatif avec d'anciens CIVIL AGRESSION et TRICKARD dedans),. Ah si, j'suis emploi-jeune (sic) et activiste à plein-temps au sein d'une asso de chômistes et précaires en colère (www.apeis.org) dans laquelle ma tâche principale et néanmoins historique, outre de faire pleurer les directeurs d' Assedic à force d'occupations sauvages, est de pondre not' beau canard «-Existence!» tous les 2-3 mois (abonnez-vous!).
Plus loin je vais te demander si t'étais bon en gym... Tu fais du sport comme Flav qui court toute la journée ou comme Alban qui décolle pas du banc des supporters?
J'essaye de danser et de faire l'amour le plus souvent possible. Pour une réponse plus terre à terre (parce que l'amour c'est plus confortable dans un lit, convenons-en), j'eu pratiqué divers chinoiseries et japoniaiseries étant ado mais ai récemment raccroché gants et chaussons au noble art du pugilat à la française faute d'assurer la constance minimum nécessaire des 4h/semaine. Je continue néanmoins à lever le coude à défaut de lever la jambe. Pour ce qui est de supporter, hormis les Reggae Boys de Jamaïque et le Red Star 93 FC (on est en CFA2!), j'en ai rien à foot. Maintenant, pour ce qui est du zine, ça ne me dérangerait aucunement qu'on y cause de culture sportive populaire (un peu dans la démarche de la FSGT - Fédération sportive et gymnique du travail ) si c'est pas écrit avec les crampons. On a d'ailleurs, dans l'itw de José, évoqué le footballeur jamaïcain Skilly COLE, grand pote à MARLEY. Mais mézigue, à part un historique de la savate ou du Red Star , je vois pas ce que j'arriverais à pondre.
Ah oui aussi un truc: j'ai une fuite d'essence sur mon Acma 56 , je crois que c'est le pointeau du carbu, tu peux m'aider en bon scooteriste!?
Là tu prend des risques, les scooters j'les apprécie qu'avec les yeux (1956. c'est un GS que t'as?) et j'ai même pas l'permis (boire ou conduire.). Mais si t'as un probloc sur ton vélo, passe à la cité, si j'arrive pas à l'réparer y'a bien un gentil lascar qui t'en chourravera un neuf.
Bon, j'ai sûrement oublié quelque chose... Vas y avant que je te jette dans la série de questions persos parce que toi c'est sûr tu dois avoir plein de trucs sur ta table de chevet!!!!
Bah Jean-Pierre, ce que t'as oublié j'en sais rien, j'ai juste essayé d'pas être trop long (c'est raté mais t'as vu l'nombre de questions?), alors comme à L'école des fans, j'en profite pour saluer les copains-copines dans la salle parce que sans eux, leur patience à mon égard et leur bonne humeur inébranlable, la vie vaudrait pas la peine d'être vécue. Merci aussi à tous les lecteurs du Chéribibi pour leur intérêt et leur patience itou. Merci et bonne continuation à REST (in peace?) et Jacques Martin pour le micro. Faîtes des zines, des groupes, de la peinture, la révolution, ce que vous voulez mais faîtes pas chier!
Qu'est ce qu'on trouve sur ta table de chevet ?
Hélas, j'ai pas de table de chevet. Mais au pied d'mon pieu, on y trouve. Attends je mate. Un Perry roulé en boule, un radio-réveil cassé qu'on m'a offert au taf dans le vain espoir d'enrayer mon retard chronique et une pile de bouquins récemment consultés: «Nowhere To Run - The Story Of Soul Music» de Gerri HIRSHEY ( Penguin Books 1985); «Héros oubliés du rock'n'roll» de Nick TOSCHES ( éd. Allia 2000, une vrai bible!); «Hot Brains»(un vieux zine R'n'R ); BRA 6 avec l'itw de mon très cher Vince; le dernier Burn Val Burn ; «Belzébuth», roman SF de Jean de la HIRE (é d. d'Hauteville 1954) que m'a prêtée Riri des Barrocks ; le bouquin/DVD «Western spaghetti» ( Sevensept 2005) contenant «Le dernier face à face» (Faccia a faccia. ça vous rappelle rien?) de Sergio SOLIMA avec Tomas MILAN et Gian Maria VOLONTE (1967); «Le journal de Frida Kahlo » ( éd. du Chêne 1995); «Miettes» de Robert CRUMB ( Seuil 2001) qu'il faut que j'rende depuis un mois à la bib'; le Manière de voir n°80 titré « Combats pour les médias»; le N° d'été de CQFD et enfin le cadeau d'anniv' que m'a offert Fanfan (merci mon pote!): «Supermurgeman» (BD de Mathieu SAPIN, éd. Dargaud 2005) dans un épisode intitulé fort à propos «La menace communiste ».
C'est quoi le dernier disque que t'as acheté, écouté ?
Derniers skeuds achetés: La Clinique du Dr Schultz et les deux 45T de MAGIC LORD & THE BOVVER BOYS que je ne saurais que trop vous conseiller (dispo chez Patate Records ou via Red Head Man ). Mais depuis que j'ai de quoi en lire, j'achète surtout des DVD : « I Put A Spell On Me» pour le dernier, un documentaire aussi fendard qu'émouvant sur SCREAMIN' JAY HAWKINS, ainsi que deux westerns avec Lee VAN CLEEF : «Le dernier jour de la colère» de Tonino VALERII et «Pas de pitié pour les salopards» de Giorgio STEGANI. Dernier skeud écouté (en ce moment même): The Selecter live («Out on the streets» LP ), pis après je vais me repasser en boucle une vieille K7 de Laurel AITKEN pour noyer mon spleen (so long Daddy).
Magazine, fanzine préféré ?
J'lis absolument tout ce qui me tombe sous la pogne, donc en gros, au boulot c'est la Nouvelle Vie Ouvrière , Alternative Libertaire, L'Huma , Le Parisien et Libé ; Le Canard Enchaîné et VSD chez mon dab; France Dimanche chez ma mère-grand. Sinon je rachète régulièrement Mad Movies depuis qu'un ancien pote du SHARP écrit dedans, Natty Dread et Tatouage Mag parfois, L'Envolée (canard de soutien aux taulards) quasi systématiquement (une pensée pour l'ami Abdel-HAFED entaulé) et évidemment presque tous les zines que je peux pécho au Born Bad et au Regard moderne (j'suis trop feignasse pour consulter les listes VPC ). En fait, j'aime tous les zines qui ont un ton personnel et sont documentés ( Earquake , UVPR , Meantime et Les Caves étant des exemples parfaits). Mes favoris du moment sont Knoxville County Redneck Tribune pour le talent d'écriture et d'humour de son rédacteur (j'suis toujours pas remis de son récit d'la rencontre entre un skin et Jésus!), Trash Times et Larsen pour leurs maquette agréable et leur documentation impressionnante dans les domaines respectifs qui sont les leurs (le ciné bis et le R&B ), ainsi que le zine anglais Naked , un truc de freak totalement déjanté. Ah si, je déteste les zines qui ne servent à leurs auteurs qu'à faire l'étalage de leurs rancoeurs ou qui se bardent de symboles romantico-skinedo-révolutionnaro-machin à toutes les pages pour tenter de faire oublier la pauvreté de leur discours, ce quelque soit la teneur (a)politicarde dudit discours. Dernière chose, je regrette que Lord ne fasse plus THE NUTCASE, que l'ami Laurent ne fasse plus BIG 5 et qu'on ait par conséquent plus un seul zine d' Early Reggae pointu tel qu'on en trouve en Espagne ou en Suisse (avec l'excellent We Dare , rédigé en allemand malheureusement pour moi) à se mettre sous la dent.
Film de De Funès préféré ?
«Comment Salomon, vous êtes juif?», une des plus drôle réplique du cinoche d'chez nous. mais mon cour va à «La soupe aux choux».
Plat préféré ?
« La soupe aux choux ». et « le saucisson corse ».
T'étais bon en gym?
Non, j'ai toujours été souple comme une baguette de pain (et guère plus épais), mais comme dirais l'autre, «avec ta barre de fer dans ta baguette de pain, t'as toujours été plus qu'un français moyen». (non, non, remet ta barre dans ta braguette, c'est une image).
As-tu déjà eu une expérience surnaturelle?
J'ai beau louffer au clair de Lune, je désespère de voir un jour surgir une soucoupe volante.
Et si t'étais un animal ?
Eric BURDON plutôt que Chas CHANDLER (quoiqu'il fut quand même le manager de SLADE).
Tu penses à quoi en premier quand tu te lèves ?
«Mais où suis-je?»
C'est qui le personnage mort ou vivant que t'aurais aimé rencontrer ?
J'aurais adoré voir en concert Boby LAPOINTE, KORTATU, les DEAD KEN', Eddie COCHRAN et OTH (et tous ensembles SVP), être au Zaïre pour le match ALI/FOREMAN et assister à toutes les éditions du festival national de la chanson en Jamaïque entre 1962 et 1972, sinon rencontrer Sergio LEONE, Jacques PREVERT, Vince TAYLOR, Fela KUTI, Yasser ARAFAT, Nelson MANDELA, Jackie CHAN, Jim KELLY, Claudia CARDINALE dans sa jeunesse, Drew BARRYMORE puisqu'elle est américaine (LSD rules). Ceci dit, je ne désespère pas de rencontrer un jour en vrai Fred EARQUAKE, mais pas pour les mêmes raisons.
C'est quoi les choses les + importantes pour toi dans la vie ?
La réponse super sérieuse serait «la conscience de classe avec classe», mais plus prosaïquement une bonne paire de Docs et des bretelles qui tiennent la route (et pas des bretelles d'autoroute) font l'affaire. Après, si je regarde au fond de mon être intrinsèque comme l'on va à confesse, c'est les femmes et le rock'n'roll, la tendresse et l'amitié (mais n'est-ce pas la même chose?).
Et là on arrive au bout du bout mais, puisqu'on cause de la vie et de son importance, il me reste encore quelque chose à déclarer (meeeerde). Tes questions sont très personnelles, appelant à déborder le cadre de «l'objet» Chéribibi pour amener à jacter sur ma gueule. C'est là toute l'habileté de l'interviewer que de faire accoucher sa victime et tu t'en sors très bien cher Don Quijote, surtout avec un moulin à paroles comme mézigo. Parler de soi est toujours dangereux, pas par rapport aux informations divulguées (les services de renseignement ennemis en possèdent de plus précis s'ils font bien leur job), mais parce que l'on s'expose (ce au risque de paraître imbu de sa personne). Et soit on baisse sa garde, on ne joue plus son rôle, soit on s'enferme dans cette même garde, et on le surjoue. Le résultat, en boxe anglaise comme dans le monde où nous évoluons, est au final le même. Tu te demandes peut-être ce que je viens de fumer mais je vais tacher d'être plus clair : pour répondre à un questionnaire comme le tien, soit on aligne les bons mots et les vannes, soit on se livre pour le vrai. Que faut-il faire alors? Se mettre trop en avant au risque de se faire ramasser, ou prendre trop de recul et finir dans les cordes? J'ai tout à l'heure usé d'un subterfuge pour repousser la question portant sur «les skins méchants d'hier et les skins gentils d'aujourd'hui», et donc par là visant à savoir si ceux d'aujourd'hui sont vraiment des skins puisqu'ils ont peut-être perdu l'authenticité qui faisait leur force en ne dépouillant plus de blousons aux gentils punks. Ce qui revient à dire, si je te pige bien, que l'authenticité des skins se situe dans leur capacité à faire peur. En un sens c'est pas faux. Mais à qui fait-on peur? À la maman africaine dans le métro qui croit avoir affaire à un nazi ou au petit bourge qui n'a que mépris pour la racaille des cités populaires? En tant que skin d'une cité populaire, si je fous les jetons à la première, ça me fait chier, mais si c'est au second tant mieux, c'est mon ennemi. Quoiqu'objectivement, celui qui désire faire peur effraye avant tout qui il peut, c'est-à-dire plus petit ou moins fêlé que lui. La légende veut qu'avant, tous les skins étaient des cogneurs sans peur à défaut d'être sans reproche. Vu la violence parisienne en vigueur du début des 80's au milieu des 90's, c'est assez vrai (c'est nettement moins le cas aujourd'hui et, pour avoir connu la fin de ladite période, c'est pas moi qui m'en plaindra). Mais dans toute bande de skins, comme dans toute bande de lascars toute époque et style confondue, il y a les cogneurs et les amuseurs, les grandes gueules et les silencieux, des ados, des plus âgés et pas assez de filles, des lâches, des courageux et des têtes brûlées. Les skins rescapés de 69 traitaient de «skins en plastique» ceux du début 80, et ainsi de suite. Je préfère causer de ça dans le cadre de cette question sur les choses importantes dans la vie parce que la mouvance Skinhead en est une. Un trip dans lequel je me suis reconnu et retrouvé, qui m'a permis de m'assumer, quitte à recevoir et à donner (même si j'ai eu ma période de dangereuse inconscience), à courir comme un dératé ou à finir la gueule sur le pavé avec la satisfaction d'avoir fendu la lèvre de l'adversaire même si lui t'as éclaté le reste. Une carapace et une identité. Mais assumer ce que je suis ce n'est pas jouer à ce que je ne suis pas. Car les vrais voyous, les vrais casse-cou, ceux qui n'ont véritablement rien à perdre et qui mettent tout en jeu sur un simple regard mauvais, ceux-là, aussi purs soient-ils, ne peuvent tenir le rythme indéfiniment. Une lame, une seringue, une cellule, un guedin plus jeune qu'eux ou un pêtage de plomb généralisé met tôt ou tard fin à leur carrière, et les plus chanceux d'entre eux regardent tranquillement grandir leurs mômes avec un bonheur mérité. A contrario, ceux qui n'ont fait qu'un passage dans la voyouterie de bas étage pour jouer les affranchis au grand méchant look devant trois hippies sont rapidement allés ramasser leurs billes ailleurs à la première tarte. Ces constatations, je n'ai d'ailleurs pas attendu de côtoyer des skins pour les faire, les tragédies de certains camarades de collège et de bande avec qui je faisais les 400 clowns dans le périmètre du quartier me l'a hélas montré très tôt. C'est pas un destin glorieux que de mourir à 15 ans pour avoir tenté de défendre sa réput' après s'être fait arnaqué sur trois kilos de merde («shit» en anglais). La pente est savonneuse, il est parfois préférable de ravaler une fierté pas forcément bien placée car le jeu n'en vaut pas toujours la chandelle et j'suis pas persuadé que jouer les terreurs fasse ton bonheur. Je connais deux anciens «blousons noirs» qui zonaient en bande sur le pavé parigot du début des 60's, y baladant leur dégaine et leur identité ouvrière l'un c'est Christian, fan de Reggae depuis les années 70 qui m'a branché avec José JOURDAIN et Hélène LEE. Lui c'était plutôt la baston à coup de chaînes de vélo dans les parcs du 15ème au temps où ce quartier était encore popu (oui c'est dur à croire aujourd'hui). L'autre c'est mon géniteur pour qui le plus important était de trouver de quoi payer un café à une gonzesse draguée sur les Grands Boulevards puis un coin peinard pour la suite parce que «no particular place to go». Malgré leur approche sensiblement différente de la zone, aucun des deux n'était pour autant moins authentique que l'autre. Faute de finances, mon dab avait un blouson noir en laine, tricoté par sa tante. et personne ne se foutait de sa gueule parce que les grands méchants comme les plus gentils avaient cette putain de conscience de classe, même si la politique leur passait largement au-dessus de la banane. Alors plus que le délire de petites frappes cherchant à être le plus bête et méchant possible afin de se conformer à la légende et finalement n'arriver qu'à parodier une époque fantasmée (celle des Halles en ce qui concerne la capitale), je crois que c'est cette perte de la conscience de classe dans les mouvances issues de la rue qui constitue la vraie perte d'authenticité du trip skin. C'est pas en frappant un quota quelconque de types quelconques qu'on est plus ou moins skin, c'est en sachant d'où l'on vient à défaut de savoir où l'on va! Si on est dans ce bain-là c'est quand même qu'on a tous une fêlure, familiale, sociale, mentale. Je soigne la mienne selon l'adage de VOLTAIRE: «Qui sait rire de lui-même n'a pas fini de rigoler».
Je suis pas skin pour me couper du monde, pour préférer le communautarisme au collectif, mais simplement parce que j'adore le Reggae , méprise les bourgeois et ai toujours mis des bretelles! Un monde où tout le monde serait skin m'emmerderait grave. C'est pour ça d'ailleurs que j'aime les concerts Barrocks où se côtoient skins, punks, rockers et autres, sans bras croisés ni airs mauvais. Pour finir cette longue diatribe sur le sens de la vie (désolé, fallait pas m'inviter), citerais-je -une fois n'est pas coutume mais la foi ne fait pas partie des miennes- un facho qui cherchait avec ses copains à faire «ami-ami» jusqu'à la prochaine ruelle avec deux potes et moi, soit trois skins, lors de la fête de la musique (fête de l'embrouille) 1993. Il nous demandait avec insistance quelles étaient nos opinions politiques, et mon cher ami (celui qui figure en couv' du Chéri 14 d'ailleurs) lui sorti: «On milite pour la joie de vivre». Le faf de rétorquer: «Ah, vous êtes malheureusement de gauche».
L'important dans la vie c'est ça: la joie de vivre (vivre libre ou se battre pour vivre libre)."
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Pour commander et lire les deux zines:
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Avec CD, contre 3€
Asso On y va
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94201 Ivry Sur Seine Cedex
Mail: asso.onyva@gmail.com
Contre un chèque de 5€.
Photos siglées par L69, sauf "SHARP Paris 1994"
et photo la plus ancienne avec Dennis Alcapone,
publiées avec l'aimable autorisation de Phil,
et pour l'ensemble, des intéressés.
Avec mes remerciements à T., de REST, et DPC.
SH (Janvier 2008).