Skinheads / John King ; traduit par Alain Defossé. - La Laune : Au diable Vauvert, 2012. - 388 p., 22€.
Il était attendu ce bouquin, c'est le moins que l'on puisse dire. Par ceux que l'anglais au long cours rebute à la lecture en tous cas. Il aura fallu attendre 4 ans pour avoir le dernier ouvrage de John King entre les mains, un roman qui fait suite à "Aux couleurs de l'Angleterre" dans le CV de notre auteur du jour, mais qui tout en conservant la plupart de ses thèmes favoris, rompt avec l'univers exclusif du supporterisme et les à-côtés du football dans lesquels nous plongeait la trilogie que terminait ce dernier, concluant un cycle entamé avec "La meute" et continué via "Football Factory".
Ces trois volumes footballistiques évoqués, il ne me reste plus qu'à parler de "Human Punk", de l'avis général -et du mien aussi-, le plus abouti de ceux que d'aucun ont reconnu comme le George Orwell contemporain. Bon, pour ma part, je ne veux point enlever de mérite à Jean Roi, mais ses thèmes de prédilection me semblent assez loin de ceux de son illustre prédécesseur, et sorti du côté alternatif de sa pensée et de son/ses mondes, je ne vois pas trop ce qu'ont voulu dire les critiques littéraires par là. Je ne le connais pas et l'époque n'est absolument pas la même, mais ses livres ne me laissent par exemple pas imaginer un John King s'engageant dans les milices du POUM en 1936. Working class certes, mais trop passéiste pour commencer et surtout trop îlien et anglais pour ça, trop patriote. Et ça n'est absolument pas une critique négative de ma part, ça paraît juste un fait qui suinte dans chacun de ses ouvrages, dans chacune de ses interviews et autres déclarations. Et il n'en a pas manqué ces derniers temps, avec la sortie française de ce "Skinheads". Bref, ce dernier est un peu le pendant "rasé" de "Human Punk", bien que moins trépident, moins aventureux, beaucoup plus mûr et nostalgique. Comme son auteur peut-être, qui l'a toujours été, nostalgique.
Musique, football, tribunes, bastons, bières, tranches de sexe... J'aurais pu écrire "BBB", ça aurait été plus court, mais il aurait manqué cette fameuse guerre qui fit subir à Londres -et pas que- certaines de ses heures les plus sombres -et héroïques- ; ç'aurait été trop cliché aussi. On est très loin du fantasmagorique skinhead tel que la presse en raffole : chaque action, quelle que soit sa finalité, est ici contre balancée par un tourbillon de sentiments logiques ou contradictoires, on est comme souvent chez John King, dans la tête des protagonistes et on pense, réfléchit ou pète les plombs tour à tour. Et là encore, l'auteur nous a placé dans la tête de plusieurs personnages, mais plutôt qu'à des époques différentes comme dans son livre phare, à une même époque, au cœur de trois générations qui font des aller-retour entre leur passé, leur jeunesse et leur présent. De là, pas mal de nostalgie, la vie de tous les jours, la prise d'âge, les prises de conscience, les manques, les envies et les projets, et tout ça au milieu des potes, des premiers amours et de la famille.
Ça donne un roman très accrocheur où la musique fleure bon le Reggae mais passe aussi à la Oi! suivant l'époque à laquelle le gars que fait penser John King a eu son heure de gloire. Ça nous pose aussi sur un skate parfois, et là je dois avouer que la sensation est bizarre. Plus habitué au rectangle vert de Stamford Bridge époque "José", comme il dit, et au "Liquidator" de Harry J Allstars pour ma part. Ça explique pourtant quelques trucs sur le trip skinhead dans la durée, de la fin des années 1960 à nos jours en passant par ces fameuses années 80. Ça m'explique en tous cas pourquoi je préfère exclusivement les premières citées. Et ça casse ces tas de fantasmes accrochés aux crânes généralement soyeux de ces zigues en Doc Martens. Ben ouais, un skinhead, c'est un mec comme un autre qui fait sa vie avec ses goûts et ses idéaux et un look, certes, mais ça n'a rien de sur ou de sous humain. Bon, forcément, quand le protagonniste le plus âgé arrive dans sa 50aine, ça aide à prendre du recul. Mais c'est justement ce truc qui rend ce livre sympathique. Bien plus que la traduction en tous cas, où on sent que M. Defossé n'a pas été chercher trop loin dans certaines dénominations, chez certains artistes et autres. Quelques coquilles et fautes d'orthographe régulières n'aident pas plus à porter aux nues un bouquin pour lequel les éditeurs y ont pourtant été à grands coups de com'. D'une manière ou d'une autre, et en ce qui me concerne surtout parce qu'il évite les clichés sur lesquels d'autres jouent à outrance, ça reste un bon livre, un "Human Skinhead", sans qu'il y ait de quoi en faire le livre de la décennie. A part sur le sujet, peut-être ; mais ça c'est pas difficile!
[07/07/2012]