Panthères noires : histoire du Black Panther Party / Tom Van Eersel. - Paris : Editions L'échappée, 2006. - (Coll° Dans le feu de l'action). - 160 p., 12€.

Panthères noires

pantheres noiresVoilà un bouquin qui tient ses promesses si l'on considère qu'il n'y a pas grand chose sur ce sujet en français, si ce ne sont quelques témoignages biographiques et largement partisans. Je n'irai cependant pas jusqu'à dire que cet ouvrage est objectif, mais il faut noter que dans le sujet traité, il est difficile de ne pas prendre un minimum position.


L'auteur, Tom VAN EERSEL, est journaliste et historien. Il a travaillé durant deux années sur le Black Panther Party et rencontré nombre d'anciens membres entre Paris et New-York. Cet ouvrage est donc basé sur, outre les sources traditionnelles, de nombreux témoignages.


Panthères Noires a la faculté de donner d'entrée une grande claque aux préjugés touchant ce mouvement d'émancipation. Exit l'image du Noir à la mine patibulaire et grognonne armé de son fusil, dont le rôle est de faire peur aux Blancs... Non, le Black Panther va plus loin : c'est en véritable parti politique d'inspiration maoïste qu'il s'est constitué... C'est donc un mouvement révolutionnaire dont le but n'est pas le renversement du gouvernement blanc des USA, comme le F.B.I. et ses nombreux détracteurs ont essayé de le faire croire pendant sa courte existence ; son objectif est plus simple : redonner sa place à l'homme noir dans la société américaine, lui faire gagner le respect de tous, et accessoirement renverser ou, au mieux, faire évoluer le système en place vers quelque chose de plus égalitaire. Pour ce faire, ses deux fondateurs et grandes figures (entre autres), Bobby Seale et Huey P.Newton, ont mis en place dès 1966 un véritable programme politique et social en réaction aux actions jugées désormais insuffisantes des grands leaders noirs tels Martin Luther King ou Malcolm X. Oakland, Californie, en est le lieu de départ.


Parmi les points les plus importants de ce programme, on peut noter l'action du Black Panther dans la surveillance de la police dans les villes américaines où la population noire est nombreuse et victime de ses exactions. De ce fait, le port d'arme, droit constitutionnel américain encouragé par le B.P.P. dans les populations du ghetto, n'a pas un but violent mais simplement celui de faire prendre conscience aux Noirs du pays à quoi ils ont droit. Le Droit fait d'ailleurs partie de la formation des membres du B.P.P. Du point de vue social, le logement, l'éducation et l'alimentation sont de véritables chevaux de bataille pour le parti. On notera entre autres la mise en place de programmes de petits déjeuners gratuits pour les enfants et l'ouverture d'écoles où l'histoire des afro-américains est enseignée au lieu d'être ignorée. Le tout financé par de riches mécènes (Blancs ou Noirs) et la vente du journal du parti. Enfin, il paraît important d'ajouter ici que ce mouvement servit de modèle aux autres minorités américaines (indiennes, asiatiques, portoricaines.) et que par là même, son rôle ne s'est jamais limité à l'action auprès des seules populations noires, mais bel et bien à l'ensemble des marginalisés du système en place.


Si Panthères Noires fait une grande place au programme et aux actions du B.P.P., il n'oublie évidemment pas de nous décrire le contexte dans lequel il évolue, et surtout, à quelle adversité il a à faire tout au long de son existence. Et le principal adversaire est de taille puisqu'il s'agit du F.B.I., pas très porté à vrai dire sur l'amélioration des conditions de vie des minorités américaines. Son rôle est de protéger les pouvoirs en place ainsi que le système qui lui permet de vivre. Il est intéressant, dans tous les cas, de noter que son directeur de l'époque, John Edgar Hoover, est le même qui a, dans les années 1920, discrédité et renvoyé dans sa Jamaïque natale Marcus Garvey, bien connu de nos amis rastas. Les méthodes anti-mouvements d'émancipation et anti-communistes lui sont donc bien connues. Et Tom VAN EERSEL s'emploi à démêler son obscure action auprès et contre le parti, retraçant divers évènements et méthodes plus ou moins orthodoxes, preuves à l'appui.


Au final, Panthères Noires est un ouvrage propre à faire tomber de nombreux préjugés et qui aurait été bien dérangeant sans les nombreuses années de recul qui nous séparent de l'époque des faits. De plus, il est composé par des chapitres thématiques courts (4 à 5 pages) à la mise en page agréable et d'une lecture facile. Le tout est agrémenté de notes, chronologie, bibliographie et filmographie. S'il doit exister des ouvrages plus exhaustifs en langue anglaise, Panthères Noires semble être un bon livre pour ce qui est de se faire une idée du mouvement et du système américain de l'époque-?-...


[2007]