Les blancs-becs = Absolute Beginners / Colin MacInnes ; traduit de l'anglais par Lola Tranec-Dubled. - [Paris] : Gallimard, DL 1985. - (Coll° Folio). - 277 p., ca 8€.
Les blancs-becs
La présentation de ce bouquin dans le chapeau est trompeuse puisque l'œuvre originale est parue en Angleterre en 1959 sous le titre de "Absolute Beginners", qui risque de parler beaucoup plus à celui qui lit ces quelques lignes. Il a été ensuite traduit et publié pour la première fois en France chez Gallimard en 1964. Cette édition poche parue 20 ans plus tard et il y a quasiment autant d'années, semble à ma grande surprise la dernière disponible en même temps que la troisième du nom. A la même époque, la comédie musicale tirée de ce roman était en production et devait faire son apparition dans les salles obscures l'année suivante. A défaut d'avoir pu voir David Bowie y incarner notre narrateur, c'est donc sur notre livre culte "Mod" que je vais me concentrer. Avec un roman de plus dans ces chroniques, un!
Avec son quatrième ouvrage, Colin MacInnes, un romancier né en 1914, réussit le tour de force de décrire sans même le nommer et ce bien avant que la presse britannique n'en fasse un sujet à sensations, cet art de vivre connu aujourd'hui sous le terme de "modernisme", ou mieux, "Mod". Aucun de ces termes n'apparaît tout le long des quasiment 300 pages, mais les rades visités par notre personnage principal, narrateur au langage passionné et coloré, les quelques références musicales ou vestimentaires et autres moyens de locomotion ou défiance envers le monde adulte ne laissent pas de place au doute : c'est bien un Ace qui enfourche le Vespa gagné après une séance photo. La débrouille est au rendez-vous et marque la rupture avec les habitudes familiales locales, ce qui ne manque pas d'être mal vécu par une génitrice ayant enfanté sous le Blitz londonien. Un jeune se fait désormais son argent de poche et fait tout son possible pour éviter d'entrer dans le système avachi auquel appartiennent les croulants, système dont les Teddy Boys, quant à eux, semblent pourtant tirer profit, à moins qu'ils ne cristallisent plus simplement les pensées inavouables de l'anglais de base. Autant dire que tout les oppose, déjà, ce que des émeutes interraciales ne manquent pas de confirmer. Encore que...
Hormis les téléphones portables, Internet et les dernières évolutions technologiques, voilà bien une histoire impliquant de jeunes gens modernes, contemporains avant l'heure et donc une bonne lecture largement mise en avant par Paolo Hewitt et François Thomazeau dans leurs ouvrages : ça n'est donc pas moi qui vais aller à l'encontre de leur avis d'autant plus qu'il est partagé. Simplement, il faudra plus s'attendre à, dans l'esprit, avoir à faire à une histoire proche de celle mise en image dans le film "Bronco Bullfrog", sorti 10 ans plus tard, que dans "Quadrophenia", une ode à la Mod'way of life à son apogée. Peut-être que le film de Julien Temple me ferait changer d'avis... Faudrait déjà aimer les comédies musicales et ce sont en tous cas les images auxquelles cette lecture m'a renvoyé.
[28/07/2012]