Hortense et Queenie = Small Island / Andrea Levy ; traduit par Frédéric Faure. - Paris : Gallimard, 2008. - (Coll° Folio). - 546 p., 7€90.
Bien heureusement pour moi, l'univers musical n'est pas l'unique thème de mes lectures et parmi ces dernières, les romans ont une place de choix. Arrivé chez un libraire, je recherche régulièrement les auteurs que je connais et apprécie, ou encore des ouvrages issus des littératures de pays ou de cultures bien déterminés. A défaut, les choix d'exposition du libraire ou du bibliothécaire influenceront forcément les miens. Et pour ce roman, initialement publié en France en 2006 aux Editions de la Table Ronde (Coll° Quai Voltaire), c'est précisément ce qui est arrivé. Autant dire que je suis bien tombé...
Hortense et Queenie, c'est un récit où quatre narrateurs prennent tour à tour la parole, sans suivre d'ordre bien déterminé, sans même faire une allusion systématique aux mêmes évènements. Ils racontent tout simplement leur histoire et leurs expériences dans la deuxième moitié des années 1940, entre Jamaïque, Angleterre et Inde. Bien évidemment, tout ce beau monde entretient des liens plus ou moins proches: Queenie, mariée à Bernard -disparu en Inde durant la Guerre-, héberge dans sa grande maison londonienne plusieurs personnes de couleur, dont un couple de jamaïcains, Hortense et Gilbert. Ce sont là nos quatre voix, lesquelles brossent à tour de rôle le portrait d'une Angleterre conservatrice dévastée par la guerre, et celui de la Jamaïque coloniale. Par là, il faut entendre les rapports entretenus entre différentes populations au sein d'un même empire et d'une même nationalité, sous les tropiques ou sous le climat plus frileux de la mère patrie.
Avec ce roman, Andrea Levy fait donc écho, d'une manière fictive mais non moins documentée, à des chapitres bien déterminés de la plupart des ouvrages traitant du Reggae et de la diaspora jamaïcaine en Angleterre; au delà, à travers la description du racisme quotidien -si bizarrement nommé racisme ordinaire-, du rôle des contingents jamaïcains dans la RAF durant la seconde guerre mondiale, mais aussi du modèle ségrégationniste US implanté partout où l'armée américaine pose ses bagages, elle annonce en quelque sorte les nombreuses émeutes raciales qui ont jalonné les décennies suivantes sur l'ensemble du territoire Anglais.
L'auteure, d'origine jamaïcaine justement, a reçu de nombreux prix pour ce livre, son quatrième mais le premier traduit en français. Et pour cause, le lecteur est très vite entraîné dans la spirale crée par ces récits entrecroisés, et ce, dans un langage simple et imagé qui décrit les prémices d'un processus d'intégration complexe, processus que de nombreux pays européens connaîtront par ailleurs plus tardivement. Un véritable témoignage donc, qui a le mérite d'être posé de manière "ludique" et auquel la bibliographie proposée en toute fin affecte toute sa crédibilité...
[12/2008]